GA245, Dornach 20 septembre 1913, allocution pour la
pierre de fondation du premier goetheanum.
Traduction par Henriette Bideau d’après le livre
de Rudolf Grosse, « Le Congrès de Noël, un
tournant »
Pas d’édition commerciale en français pour l’instant.
"Mes chers sœurs et frères,
"Comprenons-nous bien en ce soir de fête. Comprenons-nous bien
Jans cet esprit: cet acte a en un certain sens, pour notre
âme, la signification d'en engagement solennel. Notre
aspiration a eu pour effet qu'ici, en ce lieu d'où nous voyons
bien loin en direction des quatre points cardinaux, nous
pouvons édifier cet emblème de la vie spirituelle des temps
nouveaux. Comprenons-nous : en ce jour, sentant nos âmes unies
à ce que nous avons symboliquement déposé dans la terre, nous
nous engageons vis-à-vis de ce courant spirituel de
l'évolution humaine que nous avons reconnu comme juste.
Efforçons-nous, mes chers sœurs et frères, de prêter ce
serment de notre âme : nous voulons en cet
instant nous abstraire de toutes les petitesses de la vie, de
tout ce qui nous lie, et nous lie nécessairement en tant
qu'êtres humains, à la vie de tous les jours. Essayons en cet
instant d'éveiller en nous la pensée d'une union de l'âme
humaine avec l'aspiration du tournant des âges. Essayons un
instant de penser qu'en exécutant ce que nous voulions
accomplir aujourd’hui, nous devons cultiver en nous la
conscience d'un regard à porter vers de vastes, très vastes
espaces de temps pour percevoir comment la
mission que symbolisera cet édifice, prendra place dans le
cadre de la grande mission de l'humanité sur notre planète
terrestre. Sans fierté ni orgueil, dans l'humilité, le
dévouement et l'esprit de sacrifice, essayons d'orienter nos
âmes vers les grands projets, les buts grandioses de
l'activité humaine sur la terre. Essayons de nous placer dans
la situation dans laquelle, en fait, nous avons le devoir
d'être, et devons être, si nous comprenons bien cet instant.
"Essayons de penser comment, autrefois, pénétra dans
l'évolution de notre terre le grand message, la grande
nouvelle, l'Evangile éternel de la vie divine et spirituelle,
comment il parcourut la terre alors que les esprits divins
eux-mêmes étaient les grands éducateurs de l'humanité.
Essayons, mes chers sœurs et frères, de nous reporter à ces
temps divins de la terre, dont une dernière nostalgie, un
dernier souvenir s'élève en nous lorsque par exemple nous
écoutons dans la Grèce antique le grand Platon faisant
entendre les derniers échos de la sagesse des Mystères - et en
même temps les premières voix de la philosophie - le grand
Platon nous parler des idées éternelles et de l'éternelle
substance du monde. Essayons de comprendre les influences
lucifériennes et ahrimaniennes qui, depuis, ont passé sur
notre évolution terrestre. Essayons de voir clairement qu'en
l'Ame humaine s'est évanoui le lien avec l'existence divine
universelle, avec la volonté, avec le sentiment, avec la
connaissance spirituelle divins.
« Essayons en cet instant de ressentir très profondément
en notre âme ce qu'éprouvent aujourd'hui dans les pays de
l'est, du nord, de l'ouest et du sud, ces âmes que nous devons
reconnaître comme étant les meilleures, et qui ne parviennent
pas à s'élever au-delà de ce que nous pouvons appeler une
nostalgie et une espérance confuses et faibles. Regardez
autour de vous, mes chers sœurs et frères, voyez cette
nostalgie confuse, cette espérance indéfinie de l'esprit,
présentes dans l'humanité actuelle! Ressentez, entendez ici,
auprès de la pierre de fondation de notre symbole, le cri qui,
dans cette nostalgie et cette espérance indéfinies vers
l'esprit, appelle une réponse, la réponse qui peut être donnée
là où la Science spirituelle est présente avec son Evangile de
l'esprit. Si nous pouvons entendre l'appel nostalgique de
l'humanité à l'esprit, et si nous voulons construire l'édifice
d'où doit être annoncé toujours plus le message de l'esprit,
si nous sentons cela dans la vie de ce monde, alors, nous nous
comprenons bien ce soir. Alors, sans orgueil, sans surestimer
notre aspiration, nous savons que par elle et par nos efforts,
nous devons être ceux qui poursuivent le travail entrepris
dans l'évolution d'une humanité progressante; mais ce travail
spirituel, à cause du courant contraire et nécessaire des
forces ahrimaniennes, devait amener l'humanité au point où les
âmes devraient se dessécher, tarir, si cet appel nostalgique à
l'esprit n'était pas entendu. Ressentons, mes chers sœurs et
frères, ces angoisses! Voilà ce qui doit être si nous pouvons
poursuivre le grand combat spirituel, le combat qu'embrase le
feu de l'amour; ce grand combat spirituel que nous pouvons
livrer, et qu'ont mené autrefois nos ancêtres lorsqu'ils ont
fait échec à l'assaut ahrimanien des Maures.
'Conduits par le Karma, nous nous trouvons en cet instant au
lieu par lequel ont passé des courants spirituels importants.
Ressentons en nous-mêmes la gravité de la situation en cette
soirée. Autrefois, l'humanité parvint au terme de l'aspiration
à la personnalité. Alors que dans la plénitude de cette
personnalité terrestre l'antique héritage des guides divins du
commencement de l'évolution terrestre s'était épuisé, apparut
à l'Orient le Verbe universel :
Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était en Dieu
Et le Verbe était un Dieu.
"Et le Verbe apparut aux ânes humaines et leur parla :
Emplissez l'évolution de la terre du sens de la terre! - Et
maintenant, le Verbe lui- même a pénétré dans l'aura de la
Terre, il a été accueilli par l'aura spirituelle de la terre.
"Le Verbe universel a été annoncé quatre fois A travers les
siècles, qui formeront bientôt deux millénaires. Ainsi la
lumière universelle a-t- elle brillé sur l'évolution
terrestre.
"Ahrimane est tombé; il devait tomber de plus en plus bas.
Sentons autour de nous les âmes humaines en lesquelles
retentit l'appel nostalgique vers l'esprit. Mais sentons
aussi, mes chers sœurs et frères, que ces âmes humaines en
resteraient à cet appel nostalgique imprécis parce
qu'Ahrimane, le sombre Ahrimane, répand le chaos sur la
connaissance spirituelle des mondes des hiérarchies
supérieures, cette connaissance à laquelle on aspire.
Sentez qu'il est une possibilité, à notre époque, d'ajouter au
Verbe spirituel quatre fois annoncé, cet autre que je ne peux
vous représenter que par un symbole.
'C'est de l'Orient que vint la lumière, le Verbe annoncé.
D'Orient, il gagna l'Occident, annoncé quatre fois dans les
quatre Evangiles, attendant que vienne de l'Occident le miroir
qui ajoutera la connaissance à ce qui est annoncé dans le
Verbe universel quatre fois formulé. Nos cœurs et nos âmes
sont profondément touchés lorsque nous entendons ce Sermon sur
la montagne qui fut prononcé alors que les temps de la
maturité humaine étaient accomplis, alors que l'antique
lumière spirituelle s'était évanouie, et que paraissait la
lumière spirituelle nouvelle. Elle est apparue !
Elle a ensuite cheminé à travers les siècles de l'Orient vers
l'Occident, attendant que soient comprises les paroles qui
autrefois ont retenti pour les cœurs dans le Sermon sur la
montagne. Des profondeurs de notre évolution universelle
retentit cette prière de l'éternité première, prononcée pour
annoncer le Verbe universel, alors que s'accomplissait le
Mystère du Golgotha. Et la prière primordiale éternelle
retentit profondément celle qui devait, au tréfonds de l'âme,
annoncer au microcosme, venant du plus profond du cœur humain,
le mystère de l'existence. Elle devait être annoncée dans le
"Notre Père" lorsqu'il retentit de l'est vers l'ouest
Cependant, ce Verbe universel autrefois déposé dans le
microcosme pour pouvoir résonner en harmonie avec le Cinquième
Evangile, resta en attente. Il fallait que mûrissent les âmes
pour comprendre cet Evangile macrocosmique venu de l'Occident,
et donc le plus ancien, qui résonnait comme un écho, répondant
à l'Evangile microcosmique de l'Orient.
« Si nous comprenons bien l'instant présent, alors nous
comprenons aussi qu'aux quatre Evangiles doit en être ajouté
un cinquième. Que résonnent donc ce soir, ajoutées au Mystère
du microcosme, les paroles qui expriment les mystères du
macrocosme. Premier élément du Cinquième évangile, la
contre-image macrocosmique de la prière microcosmique
autrefois annoncée de l'Orient vers l'Occident doit retentir
en ce lieu.
Qu’elle résonne en signe de compréhension, la prière
universelle macrocosmique, contenue dans le Cinquième,
l'Evangile primordial, celui qui est uni à la Lune et à
Jupiter, comme les quatre Evangiles sont unis à la terre.
AOUM! Amen!
Ils règnent, les maux,
Témoignant que l'essence du Moi s'est détachée,
Par une faute personnelle que d'autres ont à payer,
Vécue dans le pain quotidien,
Où point ne règne la volonté des cieux
Depuis que l'homme se coupa de Votre royaume
Et oublia Vos noms,
O Vous, Pères dans les cieux!
"Au "Notre Père" microcosmique donné comme prière à
l'humanité, annoncé de l'Orient vers l'Occident, répond
maintenant l'antique prière macrocosmique. C'est ainsi qu'il
retentit lorsque, bien compris par des ornes humaines, il
résonne vers les lointains du monde, et est rendu en retour
par les paroles qui émanent du macrocosme.
Prenons-le avec nous, Le Notre Père macrocosmique, et sentons
que nous commençons ainsi à acquérir la compréhension de
l'Evangile de la connaissance : le Cinquième Evangile.
Emportons de cet instant important chez nous, dans notre
Berne, avec gravité et dignité, notre vouloir; emportons chez
nous la certitude que toute la sagesse que quête ici 1'Ame
humaine - quand sa quête est authentique – est un courant qui
répond à la sagesse cosmique: et, par
l'amour qui règne dans l'évolution humaine, engendre toute
affection humaine dans L'amour désintéressé de l’âme.
"De par la forte volonté humaine qui se nourrit du sens de
l'existence et du sens de la terre, s'accomplit au long de
tous les temps terrestres et dans toutes les âmes un
affermissement par la force cosmique que l'humanité implore
aujourd'hui pour elle-même, le regard imprécis orienté vers
l'esprit qu'elle espère, mais qu'elle ne veut pas connaître
Parce que partout où l'on parle d'esprit, Ahrimane éveille en
elle une Peur dont elle n'est pas consciente. Sentons cela,
mes sœurs et mes frères, en cet instant. Ressentez cela, et
vous pourrez vous armer pour votre œuvre
spirituelle, et par la vigueur de la pensée vous montrer les
révélateurs de la lumière spirituelle, meure là où le sombre
Ahriman étouffant la sagesse, veut répandre sur la vision
spirituelle pleinement lucide les ténèbres du chaos Mes sœurs
et mes frères, emplissez vos âmes de l'aspiration à la
véritable connaissance spirituelle, à l'amour humain
authentique, à la volonté forte. Tentez d'éveiller en vous cet
esprit qui peut faire confiance au langage du Verbe universel
qui, des lointains du monde et de l'espace, vient résonner
dans nos Aines. Voilà ce que doit réellement ressentir ce soir
celui qui a saisi le sens de l'existence : les âmes humaines
sont parvenues à l'extrême limite de leur aspiration.
Ressentez dans l'humilité, non dans l'orgueil - dans le
dévouement et l'esprit de sacrifice, non dans la suffisance,
ce qui doit advenir de cet emblème dont nous avons posé
aujourd'hui la pierre de fondation. Ressentez l'importance de
la connaissance qui doit Atre notre du fait que nous pouvons
savoir ceci : il faut qu'à notre époque, dans lés lointains de
l'espace, l'enveloppe des entités spirituelles soit traversée
lorsqu'elles viennent A nous pour nous parler du sens de
l'existence. En tous lieux alentour, des âmes humaines devront
s'ouvrir au sens de l'existence. Entendez comment, dans les
différents lieux où l'on parle de Science spirituelle, de
religion et d'art, où l'on agit dans ce sens, entendez combien
les forces d'aspiration de l'âme s'appauvrissent, sentez que
vous devez apprendre à féconder ces âmes, ces forces
d'aspiration, en puisant aux Imaginations de l'esprit, aux
Inspirations et aux Intuitions. Sentez ce que trouvera celui
qui, d'une oreille juste, entendra les sonorités de la
spiritualité créatrice.
"Ceux qui comprendront le sens de la prière du Cinquième
Evangile ajoutée à l'ancien "Notre Père", pourront reconnaître
profondément ce sens à partir de notre tournant des âges.
"Si nous apprenons à comprendre le sens de ces paroles, nous
chercherons A nous ouvrir aux germes qui doivent fleurir afin
que l'évolution terrestre ne prenne pas fin, afin qu'elle
continue de porter fruit et de prospérer, afin que par la
volonté des hommes, la terre puisse atteindre le but qui lui
fut assigné depuis les commencements.
"Sentez en cette' soirée que doivent prendre vie dans les âmes
humaines la sagesse et le sens de la nouvelle connaissance, du
nouvel amour, de la nouvelle force. Les âmes qui agiront dans
la fleur et le fruit d'évolutions terrestres futures devront
comprendre ce que pour la première fois nous voulons
aujourd'hui incorporer à notre âme : la voix résonnant dans le
macrocosme de l'antique et éternelle prière :
AOUM! Amen!
Ils règnent, les maux,
Témoignant que l'essence du Moi s'est détachée,
Par une faute personnelle que d'autres ont à payer,
Vécue dans le pain quotidien,
Où point ne règne la volonté des cieux
Depuis que l'homme se coupa de Votre royaume
Et oublia Vos noms,
O Vous, Pères dans les cieux!
"Nous nous séparons maintenant - emportant dans notre âme la
conscience de l'importance de l'acte grave et digne que nous
avons accompli. La conscience qui nous restera de cette
soirée doit enflammer en nous l'aspiration à la connaissance
d'une nouvelle révélation faite àl'humanité, dont l'âme
humaine a soif, mais dont elle ne boira que si elle conquiert
sans crainte foi et confiance en ce qui annonce la science de
l'esprit, la science qui doit réunir ce qui, durant un temps,
a dû cheminer séparément au long de l'évolution humaine : la
religion, l'art et la science. Prenons ceci, mes sœurs et mes
frères, emportons-le comme ce que noue ne voulons plus
oublier, un souvenir de cette heure célébrée en commun."
(La pierre de fondation fut alors recouverte
et soudée dans le béton.)
Le document dessiné par Rudolf Steiner.
Longueur : 1m30 ; largeur : 0,90 cm.
Il apparaît maintenant nécessaire d'étudier en détail le
document enfermé dans le dodécaèdre pentagonal. Rudolf Steiner
avait tracé dessus un dessin qui représente deux dodécaèdres
pentagonaux l'un au-dessus de l'autre. Autour de ceux-ci est
tracée une forme ovoïde qui enclot tout le dessin comme une
enveloppe. Au-dessus du dodécaèdre sont
inscrites les deux majuscules I N. Dans son allocution, Rudolf
Steiner prononce les mots qu'elles désignent intégralement et
nomme les hiérarchies dans l'ordre où se
trouvent les initiales qui les désignent,
entourant la pierre comme un calice :
"Au nom (I N) des Séraphins, des Chérubins, des Trônes (S CH
T), des Sagesses, des Créateurs du mouvement, des Créateurs de
la forme (W B F), des Personnalités, des
Archées, des Archangeloï, des Angeloï (P A A A), comme pierre
angulaire
de notre volonté se cherchant en esprit,
de l'existence se sentant dans l'âme du monde,
de l'homme se pressentant dans le Moi du monde,
les initiales entre parenthèses sont celles des mots allemands
suivants :
I.N. : Im Namen - S CH T : Selaphim, Cherubim, Trone - W
B F : Weisheiten, Beweger, Former, (Beweger : ceux qui
meuvent, Former : ceux qui forment).
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