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Institut pour une triarticulation sociale
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traduction B. P.

 

Épilogue


Le récit qui précède décrit une époque d'une grande richesse, dont de nombreux détails restent présents à l’esprit de ceux qui les ont vécus comme s'ils s'étaient produits hier. C’est grâce à sa personnalité extraordinaire et à la modestie dont il faisait preuve en tant que contemporain que l’entourage immédiat de Rudolf Steiner a pu poursuivre sa mission. Celui qui disposait de toutes les connaissances de l'époque et avait une vue d'ensemble claire du développement passé et futur de la Terre et de l'humanité, qui avait conquis le contact avec le monde des esprits par sa concentration et était ainsi capable d’indiquer dans quelle direction l’humanité pourrait se développer à l’avenir, peut à juste titre être considéré comme son chef spirituel. Il était tellement en avance sur son temps, à tous les égards, que ses semblables avaient du mal à le comprendre et restaient pour la plupart fermés à l'envolée de ses pensées. Les nouveautés qu'il a apportées pour promouvoir la vie culturelle se sont souvent heurtées à une opposition acharnée. Néanmoins, il a courageusement osé mener le combat spirituel et a marqué de ses impulsions le cœur des gens, souvent inconsciemment pour eux, de sorte qu'ils pouvaient toujours décider de faire marche arrière. En réfléchissant aux événements inouïs qui se sont produits sur terre dans le premier quart de ce siècle, on est amené à surmonter le sommeil profond de l'âme, dans lequel l'humanité est encore prisonnière. En particulier, après cinquante ans, il serait temps que les représentants des universités se décident enfin à prendre au sérieux la grande individualité de Rudolf Steiner et à inclure son travail dans leur enseignement.

Les jeunes, qu'ils le sachent ou non, aspirent à de nouvelles connaissances. Ils ne se satisfont plus de la sagesse scolaire du passé et des capacités cognitives limitées de l'homme. La raison profonde de leurs révoltes contre le système universitaire est l'insatisfaction à l'égard d'un sujet et d'une méthode qui ne peuvent plus les enthousiasmer. C'est pourquoi ils exigent partout de nouveaux privilèges, en particulier le droit de participer aux décisions. Ils oublient qu'ils n'ont pas les connaissances et la maturité nécessaires pour influencer plus que de simples réformes organisationnelles. Ils ne s'attaquent pas à la racine de la léthargie, qui est précisément que les professeurs et les enseignants ne peuvent pas enseigner librement parce qu'ils sont des serviteurs de l'État. Ici, la toute-puissance étatique a un effet inhibiteur sur le développement, simplement parce que les gens pensent qu'ils en dépendent du point de vue financier. Même des personnalités importantes parmi eux sont aujourd'hui tellement habituées à cet État absolutiste qu'elles semblent avoir peur de la liberté et de l'auto-responsabilité. Les enseignants ne se rendent pas suffisamment compte du fait que les ressources financières sont politiquement dirigées par le système fiscal actuel lorsqu'elles sont distribuées par l'État. On pourrait très bien imaginer un système fiscal dans lequel l'appareil administratif coûteux serait supprimé si l'État se limitait à ses véritables tâches. Cette idée avait déjà été avancée par Wilhelm von Humboldt il y a 170 ans dans son Essai sur les limites de l’action de l'État.

Un regard sur le monde montre où la toute-puissance de l'État de prestations nous a menés : le présent est témoin de crises permanentes tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Où que l'on regarde, on ne voit que tensions, tentatives de coup d'État, meurtres et enlèvements, grèves et luttes salariales, crises monétaires et inflation. Et de l'autre côté : pollution de l'eau, de l'air et de l'environnement, et bien d’autres choses encore. Il y a plus de cinquante ans, Rudolf Steiner soulignait déjà que les aliments allaient perdre leur valeur nutritive. Cette sombre prédiction s'est réalisée trop tôt. L'intuition de nombreux groupes est contrecarrée par les intérêts de l'industrie, en particulier des entreprises chimiques, que l'État protège parce qu'il a besoin d'elles comme source de recettes fiscales. En fin de compte, il faut reconnaître que non seulement les recherches scientifiques ont conduit l'humanité dans la mauvaise direction, mais aussi que le lien étroit entre la vie économique et la politique a amené l'humanité dans une impasse dont elle ne peut plus se libérer avec des lois et des règlements. Rudolf Steiner a montré les voies d'un changement fondamental. On peut en prendre note et les suivre.

Même si beaucoup de choses ont changé depuis son époque, le principe d'une séparation des trois domaines de la culture, de l'économie et de l'État de droit est tout aussi nécessaire aujourd'hui. Mais il n'a pas été respecté. La nécessité de remplacer à l’avenir la forme actuelle de la société par une forme triarticulée dans laquelle l'esprit humain libre puisse se développer sainement est issue des sources les plus profondes de l'être humain. Il est encore temps de sauver la liberté individuelle. Le danger est grand que l’humanité soit de plus en plus manipulée. Aujourd'hui déjà, elle est largement soumise aux médias, qui se déversent sur l'ignorance des gens comme un raz-de-marée. Il pourrait y avoir un terrible réveil si l'aide offerte par Rudolf Steiner, issue du monde spirituel, était repoussée plus longtemps encore. Ce livre a été écrit pour donner un aperçu vivant des efforts sacrificiels du chercheur spirituel après la Première Guerre mondiale.

Aujourd'hui, on ne peut plus dire que le prolétariat ait une conscience de classe. Les luttes se sont déplacées presque exclusivement vers la sphère économique. Les syndicats mènent de plus en plus de politiques économiques et, par un centralisme accru, cherchent à atteindre des objectifs qui ne servent pas le bien commun, mais seulement eux-mêmes. Ainsi, le processus désastreux en cours menace de conduire à une bureaucratisation mondiale toujours plus importante. Le présent devrait reconnaître que ces tendances sont les moins susceptibles de rendre justice à la dignité humaine et, en fin de compte, de permettre une vie qui vaille la peine d'être vécue.

Si l'on cherche à faire la lumière sur les causes spirituelles du déclin, qui est particulièrement flagrant dans notre siècle, il faut s'interroger sur le sens de cette évolution. L'humanité se lance d'une part dans la conquête des étoiles, et, d'autre part, intervient dans les événements naturels en exploitant la terre jusqu’à la scission des éléments. Elle touche ainsi au tissu même de la vie de l'humanité.

Mais l'homme se cherche en vain dans ces réalisations extérieures. Il ne sait plus rien de sa véritable essence ; il a perdu son soutien moral, son origine divine. Sa science ne lui montre aucun chemin vers lui-même. L'ancienne foi religieuse ne lui suffit plus, et il s'invente une existence agnostique sans pouvoir répondre sérieusement à la question sur le sens et le but de sa vie sur terre. Il est satisfait lorsqu'il est en bonne santé extérieure, les mystères de la vie ne le dérangent pas.

Néanmoins, cela fait de lui un véritable enfant de son temps, caractérisé par le fait qu’il est complètement lié à la vie terrestre, se sent complètement seul, et développe ainsi une conscience de soi qui n'était pas possible aux époques précédentes. Mais cette évolution vers un moi conscient s’est faite aux dépens de l’ancienne piété et des pouvoirs ataviques de la clairvoyance. Ces capacités ont été perdues – pensez à l'art des Grecs ou des Égyptiens – pour faire place à d'autres. Le sens de la vie se manifeste par une évolution progressive, qui conduit l'humanité d'un niveau de culture à un autre. Mais ce sont toujours des personnalités individuelles qui ont porté ce développement humain. Les grandes cultures alternent, elles migrent en effet d'est en ouest, de l'Inde et de la Perse antiques en passant par l'Égypte et la Grèce jusqu'à Rome, qui est envahie au plus fort de sa puissance par les peuples nordiques. Mais la signification profonde de cette période de migration n'est pas la destruction de ce puissant empire ; c’est le fait beaucoup plus significatif que les peuples païens, profondément enracinés dans la mythologie nordique et germanique, ont absorbé le christianisme dans leur âme au sud et à l'est. Les monuments artistiques de Ravenne et la Bible gothique de Wulfila, entre autres, témoignent de la profondeur du phénomène.

Notre époque culturelle sera donc, dans un avenir lointain, suivie par d'autres. Il est de la responsabilité des porteurs de la culture moderne de ne pas la laisser finir prématurément dans le chaos. Un changement est nécessaire dans tous les domaines de la vie contemporaine, notamment dans le domaine social, où l'égoïsme ne connaît pas de limites.

La mission de Rudolf Steiner était de montrer la voie de ce changement. Le monde spirituel n'est pas fermé. L'inclure comme objectif dans toute recherche est devenu possible aujourd'hui, que ce soit par la dissolution de la matière en un système de forces, qui conduit finalement à la reconnaissance du monde spirituel à l’œuvre derrière les lois de la nature, ou par l'émergence de la psychologie. C'est surtout grâce au chercheur spirituel moderne que l’on a pu dessiner le chemin de la formation qui permet à la pensée humaine d'atteindre un niveau supérieur et ainsi d'avoir à nouveau un aperçu direct du monde spirituel, mais désormais en pleine conscience. Les nombreuses tentatives de modification de l’état de conscience par des méthodes orientales (yoga) ou par la drogue montrent le désir d'échapper au matérialisme du présent. De telles expériences, que l’on espère faire confortablement dans un état de transe, témoignent tout au plus d'un changement ardemment attendu, mais ne sont pas en mesure de le réaliser. Au contraire, elles entraînent les gens, dont beaucoup de jeunes, sur des chemins dangereux, vers la maladie et la mort.

Le parcours de Rudolf Steiner peut être décrit comme une continuation cohérente de la vie intellectuelle de l'Europe centrale et des meilleurs efforts des XVIIIe et XIXe siècles, mais il est en même temps orienté vers le début d'une nouvelle ère. On s’apercevra qu'il aura été le précurseur d'un changement spirituel qui pourrait être plus proche qu’on ne le pense aujourd'hui.

La Bible ne parle-t-elle pas du « retour du Christ dans les nuées » (cf. Luc 21/27, Marc 13/26) ? Nous devrons veiller à prendre cette parole au sérieux comme l'annonce d'un événement qui se profile à l'horizon et qui, en ce siècle, peut être vécu dans l'âme humaine individuelle, mais qu’on ne peut se permettre de manquer parce qu’on dort.

La Terre a besoin d'une nouvelle impulsion pour devenir un jour la planète de l'amour.