Sociologie de la connaissance de soi :
une méprise fréquente dans le mouvement anthroposophique
A l'occasion de la cérémonie
funéraire d'un collègue biodynamiste qui s'intéressait aussi à
la triarticulation (au point d'y faire au moins une fois
référence dans une rencontre avec un élu) et qui, très engagé
et serviable, suivait l'un ou l'autre "dossier syndical" avec
moi, j'en retrouvais un autre qui lui avait été très lié et
dont je me rend compte que je l'avais passablement perdu de
vue.
Il faut dire qu'il y a déjà
longtemps qu'il s'était retiré de la sociabilité du mouvement
biodynamique local, sans que je le réalise vraiment. Tant il y
restait présent en toile de fond pour moi. Et comme il venait
d'écrire un petit livre sur son parcours de vie (intérieure
aussi) et en échangeait dans un cercle de rencontre
hebdomadaire strasbourgeois, je fut amené à le lire.
Il y raconte comment il vint à la biodynamie (c'est alors
qu'il se lia avec ce premier collègue), à l'anthroposophie, à
Steiner et une partie de comment et pourquoi il s'en
éloigna de nouveau, retournant, selon son préfacier, à son
"église d'origine".
En fait pas exactement. Son cheminement s'orienta, y dit-il, à
l'apport de Jacob Lorber (1800-1864 - Ce dernier est
présenté parfois comme un "théosophe" originaire de Styrie en
Autriche) et il conseille notamment le site suivant : http://retourduchrist.fr/page1.html
Son livre lui, retrace une
longue et très active vie d'agriculture dans le nord de
l'Alsace, ouverte à l'invisible (révélé ou
suprasensible) avec tout ce que cela comporte de
recherche d'une connaissance de soi et du monde. Et plus
généralement le mode de connaissance (écriture sous dictée
du cœur... ou/et du Christ ?) convié par la référence à
Lorber.
Ce n'est pas une mince affaire et il m'a semblé intéressant
de chercher un peu si des personnalités citées sur ce site
l'étaient aussi dans l’œuvre laissée par R. Steiner.
En commençant par J. Lorbert :
deux notes indiquent
36 un médecin connu : il s'agissait de
l'homéopathe Emil Schlegel, 1852-1935,
médecin à Tübingen. - Le Dr Steiner lui avait rendu
visite en novembre 1905 depuis Stuttgart. Sur
l'envoi de l'ouvrage de Jakob Lorber "Un scénario
d'esprits. La mort violente de Robert Blum. Ses
expériences et ses guides dans l'au-delà", 2 vol.,
Bietigheim/Württ. 1898, Rudolf Steiner répondit le
14 décembre 1905, entre autres : "Je lirai
certainement l'ouvrage sur Blum ; j'espère que ce
sera déjà possible dans les jours de Noël".
36 Robert Blum, 1807-1848, député de Leipzig
à l'Assemblée nationale de Francfort. Il fut
condamné à mort par contumace et fusillé le 9
novembre 1848 à Vienne. |
GA
236 p. 304
36 einen bekannten Arzt: Es war dies der
Homöopath Emil Schiegel, 1852-1935, Arzt in
Tübingen. - Dr. Steiner hatte ihn im November 1905
von Stuttgart aus besucht. Auf
die Zusendung der Schrift von Jakob Lorber «Eine
Geister-Szenerie. Gewaltsamer Hintritt des Robert
Blum. Seine Erfahrungen und Führungen im Jenseits»,
2 Bde., Bietigheim/Württ. 1898, antwortete Rudolf
Steiner am 14. Dezember 1905 u.a. «Die Schrift über
Blum werde ich gewiß lesen; ich hoffe, daß es schon
in den Weihnachtstagen wird geschehen können.»
36 Robert Blum, 1807-1848. Abgeordneter für
Leipzig in der Frankfurter Nationalversammlung. Er
wurde am 9- November 1848 in Wien standrechtlich zum
Tode verurteilt und erschossen. |
L'ouvrage sur Blum : Jakob Lorber, "Un
scénario d'esprit. La mort violente de Robert Blum.
Ses expériences et ses guides dans l'au-delà", 2
vol., Bietigheim/Württ. 1898. Rudolf Steiner décrit
dans la conférence de Dornach du 12 avril 1924
("Considérations de pendants karmiques", 2ème vol.,
GA Bibl.-Nr. 236, Dornach 1977, p. 35 s.) comment
cet écrit lui a été envoyé.
Leur "réforme de la médecine" : Emil Schlegel,
"Reform der Heilkunde durch die Homöopathie
Hahnemanns", Brugg (Suisse) o. J. (1903). Rudolf
Steiner n'a pas fait de commentaire sur cet ouvrage. |
GA
039 p. 594
Die Schrift über Blum: Jakob Lorber, «Eine
Geisterszenerie. Gewaltsmer Hintritt des Robert
Blum. Seine Erfahrungen und Führungen im Jenseits»,
2 Bde., Bietigheim/Württ. 1898. Wie es zur Zusendung
dieser Schrift kam, schildert Rudolf Steiner in dem
Dornacher Vortrag vom 12. April 1924 («Esoterische
Betrachtungen karmischer Zusammenhänge», 2. Bd., GA
Bibl.-Nr. 236, Dornach 1977, S. 35 f.).
Ihre «Reform der Heilkunde»: Emil Schlegel,
«Reform der Heilkunde durch die Homöopathie
Hahnemanns», Brugg (Schweiz) o. J. (1903). Eine
Besprechung dieser Schrift durch Rudolf Steiner ist
nicht erfolgt. |
Emil Schlegel (1852 Karlsruhe-1934 Reutin près de
Lindau) était le petit-fils d'une herboriste et le
fils d'un simple cordonnier. Dès son enfance, il
montra un fort attachement à la nature et un
penchant pour la médecine. Pendant son apprentissage
de comptable, il s'enflamme pour l'homéopathie. Il a
pu faire des études de médecine à Tübingen malgré
l'absence de maturité/bac (à cause d'une erreur
passée inaperçue) et une situation de dénuement
(grâce à un riche mécène). Cependant, en raison de
son penchant pour l'homéopathie et malgré
d'excellents résultats universitaires, il se heurta
à l'opposition de professeurs et se vit finalement
refuser un doctorat, bien que sa thèse ait déjà été
reconnue et publiée par son professeur. C'est
pourquoi Schlegel s'est installé en 1879 à Tübingen
comme médecin homéopathe. Grâce à ses succès de
guérison, même chez les grands malades (p. ex.
tuberculose, cancer, glaucome), il devint rapidement
très connu. Rudolf Steiner lui envoya très tôt des
théosophes comme patients, et dans sa conférence
publique du 25 mai 1905 sur "la faculté de médecine
et la théosophie", il rendit hommage aux efforts
médicaux de Schlegel. Marie von Sivers fut traitée
par Schlegel en 1911 à l'occasion de sa grave
maladie et continua à solliciter ses conseils par la
suite. Lors de ses tournées de conférences, Rudolf
Steiner emportait avec lui une pharmacie de poche
homéopathique que Schlegel lui avait offerte.
(Rudolf Steiner avait rendu visite à Schlegel pour
la première fois fin novembre 1905 à Tübingen, et à
partir de là, à chaque fois, qu'il était à Tübingen,
la dernière fois en 1919. La particularité de
Schlegel était, entre autres, sa relation intense
avec Paracelse et sa tentative de renouveler
l'ancienne théorie des signatures en cultivant un
sens de la nature vivifié par la contemplation
artistique et de découvrir ainsi la valeur curative
des plantes et des minéraux sur ceux-ci mêmes. |
Emil Schlegel. Arzt (1852 - 1934)
Peter
Heusser
Der
Merkurstab 2004;57(2):122-134.
Article-ID:
DMS-18442-DE
DOI: https://doi.org/10.14271/DMS-18442-DE
Emil Schlegel (1852 Karlsruhe-1934 Reutin bei
Lindau)
war Enkel einer Heilkräuterkundigen und Sohn eines
einfachen Schuhmachers. Schon als Kind zeigte er
eine starke Naturverbundenheit und eine Hinneigung
zur Medizin. Während seiner Lehre als Buchhalter
entflammte er für die Homöopathie. Das
Medizinstudium in Tübingen wurde trotz fehlender
Matura (durch unbemerktes Versehen) und
mittellosen Verhältnissen
(dank einem reichen Gönner) möglich. Wegen seiner
Hinneigung zur Homöopathie gab es abertrotz
ausgezeichneten Studienleistungen Widerstand bei
Professoren, die Promotion wurde ihm schließlich
verweigert, obwohl seine Dissertation von seinem
Professor bereits anerkannt und veröffentlicht
war. Deshalb ließ
sich Schlegel 1879 in Tübingen als homöopathischer
Arzt nieder. Durch Heilerfolge auch bei
Schwerkranken
(z.B.Tuberkulose, Krebs, Glaukom) wurde er bald
weithin bekannt. Rudolf Steiner schickte ihm schon
früh Theosophen als Patienten zu, und im
öffentlichen Vortrag vom 25. Mai 1905 über „die
Medizinische Fakultät und dieTheosophie" würdigte
er Schlegels medizinisches Streben. Marie von
Sivers wurde 1911 anlässlich ihrer schweren
Erkrankung von Schlegel behandelt und suchte auch
später seinen Rat. Rudolf Steiner trug auf seinen
Vortragsreisen eine homöopathische Taschenapotheke
mit sich, die er von Schlegel als Geschenk
erhalten hatte. (Darüber wird hier erstmals
berichtet.) Rudolf Steiner hatte Schlegel erstmals
Ende November 1905 in Tübingen besucht, und von da
an jedes Mal, wenn er in Tübingen war, zuletzt
1919.Das Besondere an Schlegel war u.a. seine
intensive Beziehung zu Paracelsus und sein
Versuch, durch die Pflege eines durch
künstlerisches Anschauen belebten Natursinnes die
alte Signaturenlehre zu erneuern und so den
Heilwert von Pflanzen und Mineralien an diesen
selbst zu entdecken.
|
et quand on se réfère au
passage ayant fait l'objet des notes :
GA 236 p. 35-37
Ces choses sont bien sûr parfois un peu choquantes
pour les humains d'aujourd'hui. Par exemple, je me
souviens ~ ce n'est qu'un petit intermède que
j'intercale - qu'une fois, je me trouvais dans la
gare d'une petite ville universitaire allemande, à
la porte de la gare, avec un médecin, un médecin
connu qui s'occupe beaucoup d'occultisme. Autour de
nous, il y avait beaucoup d'autres gens.
Il s'est échauffé et, du fait de son enthousiasme,
il m'a dit d'un ton un peu fort, de sorte que
beaucoup de personnes autour pouvaient l'entendre :
Je vais vous offrir la biographie de Robert Blum,
mais elle ne commencera qu'avec sa mort. - Comme
cela avait été dit à haute voix, on pouvait déjà
remarquer chez les personnes se tenant autour un
certain état de choc. Aujourd'hui, on ne peut pas
dire aussi facilement aux gens : je vous offre la
biographie d'un humain, mais elle ne commence
qu'avec sa mort. commence à la mort.
Mais à part cette biographie en deux volumes de
Robert Blum, qui ne commence pas à la naissance mais
à la mort, il s'est encore passé peu de choses dans
cette direction, pour parler biographiquement des
hommes après leur mort. On commence généralement à
la naissance et on termine à la mort. Il n'y a pas
encore beaucoup d'œuvres qui commencent par la mort.
Or, pour l'événement réel, une chose extrêmement
importante réside précisément dans ce que l'homme
fait après la mort, lorsqu'il transmet aux âmes qui
descendent après lui les résultats de ce qu'il a
fait sur la terre, transposés dans le domaine
spirituel. Et on ne comprend pas du tout la suite
d'une époque si l'on ne regarde pas aussi cet aspect
de la vie. Il s'agissait pour moi de regarder les
individualités qui entouraient Bacon après sa mort.
Et il y avait autour de Bacon des individualités qui
sont nées par la suite comme naturalistes/chercheur
de la nature, mais aussi des individualités qui sont
nées comme historiens/écrivains de l'histoire. Et si
l'on observe l'influence de feu Lord Bacon sur ces
âmes, on voit comment ce qu'il a fondé sur terre, le
matérialisme, la simple recherche dans le monde des
sens - tout le reste est pour lui une idole - se
transforme en un radicalisme, élevé, traduit dans le
spirituel. De sorte qu'en fait, ces âmes, au milieu
du monde spirituel, accueillent des impulsions qui
vont à, après leur naissance, après être descendues
en bas, sur la Terre, donner seulement quelque chose
à ce qui est un fait que l'on peut voir avec les
sens. |
Diese Dinge sind ja natürlich zuweilen etwas
schockierend für die Menschen der Gegenwart. So zum
Beispiel erinnere ich mich ~ es sei nur ein kleines
Intermezzo, das ich einschiebe - , daß ich einmal
auf dem Bahnhof einer kleineren deutschen
Universitätsstadt, am Bahnhofstor, mit einem Arzt
stand, einem bekannten Arzt, der sich viel mit
Okkultismus beschäftigt. Um uns herum standen viele
andere Leute.
Er wurde warm, und aus seinem Enthusiasmus heraus
sagte er zu mir in einem etwas lauten Ton, so daß es
viele Umstehende hören konnten: Ich werde Ihnen die
Biographie von Robert Blum schenken, aber die fängt
erst mit seinem Tode an. - Es war, weil das so laut
gesprochen war, schon etwas von Schockiertsein bei
den Umstehenden zu bemerken. Man kann heute nicht so
ohne weiteres zu den Leuten sagen: Ich schenke Ihnen
die Biographie eines Menschen, die aber erst mit dem
Tode anfängt.
Aber außer dieser zweibändigen Biographie von Robert
Blum, die nicht mit der Geburt, sondern mit dem Tode
anfängt, ist ja noch wenig geschehen nach dieser
Richtung hin, biographisch von den Menschen zu
sprechen, nachdem sie gestorben sind. Man fängt
gewöhnlich bei der Geburt an und endigt mit dem
Tode. Es gibt noch nicht viele Werke, die mit dem
Tode anfangen.
Nun liegt aber für das reale Geschehen ein ungeheuer
Wichtiges gerade in dem, was der Mensch nach dem
Tode tut, wenn er die Ergebnisse dessen, was er auf
der Erde getan hat, umgesetzt in das Geistige, den
Seelen vermittelt, die nach ihm herunterkommen. Und
man versteht gar nicht die Folgezeit eines
Zeitalters, wenn man nicht auch auf diese Seite des
Lebens hinschaut. Es handelte sich für mich darum,
einmal diejenigen Individualitäten anzusehen, die um
Bacon nach seinem Tode herum waren. Und es waren
herum um Bacon solche Individualitäten, die dann als
Naturforscher geboren wurden in der Folgezeit, aber
auch solche Individualitäten, die als
Geschichtsschreiber geboren wurden. Und wenn man
sich nun den Einfluß des gestorbenen Lord Bacon auf
diese Seelen anschaut, so sieht man, wie das, was er
auf der Erde begründet hat, der Materialismus, das
bloße Forschen in der Sinneswelt - alles andere ist
ja für ihn Idol - , wie das, hinaufgesetzt,
übersetzt ins Geistige, in einen Radikalismus
umschlägt. So daß in der Tat diese Seelen mitten in
der geistigen Welt Impulse aufnehmen, die dahin
gehen, nach ihrer Geburt, nachdem sie
heruntergestiegen sind, auf der Erde nur auf
dasjenige etwas zu geben, was eine Tatsache ist, die
man mit den Sinnen sehen kann. |
on remarque que Steiner se
réfère bien au récit de J. Lorber pour illustrer le sien
propre sur le même "phénomène" de la vie (postmortem).
S'ajoute à cela, une question qui peut s'avérer sensible
lorsqu'on s'intéresse à Steiner comme chercheur aussi en
science sociale : que l'exemple utilisé soit justement un
militant social : Robert Blum (même mentionné au
Maitron par dessus le marché : https://maitron.fr/spip.php?article215967&id_mot=19167
)
Mais revenons aux vie intérieures
de nos "biodynamistes" si mon ami (issus d'une famille
catholique) a trouvé des éléments pour son chemin auprès de la
Communauté des Chrétiens fondée par des étudiants en théologie
et des pasteurs protestants ayant demandé conseil à Steiner
(comme il en a clairement été témoigné à deux reprises lors de
la cérémonie d'adieu), notre autobiographe témoigne bien
de son retour à sa foi et sa sociologie d'origine protestante.
Quoi de plus "naturel" sommes toutes ?
Au fond c'est bien autour de la
question du rapport possible direct ou non, révélé ou
non, à l'invisible dont il est question. Peut-on
connaitre au delà de certaines limites, d'un certain seuil.
C'est même la question de l' "ignorabimus" de du Bois-Reymond
ou la question d'atteindre ou non la chose en soi de Kant
concernant les sciences (et non les "logies" seules).
On ne sait pas si Steiner a
finalement lu le livre de Lobert, mais à cet égard il parle en
beaucoup plus d'endroits d'une personnalité aussi citée sur le
site concernant le "retour du Christ" (dont du reste RS a
aussi beaucoup parlé en précisant sa nature dans l'histoire) :
Emmanuel Swedenborg (1688-1772)
A ce sujet, j'ai traduis deux
conférences complètes où Steiner apporte des éléments sur la
fameuse méprise évoquée dans le titre. Tout dépend,
évidemment, ce que l'on recherche pour soi-même dans une
existence.
Face à ce qui échappe aux sens
organiques de notre incarnation terrestre, cherche--t-on la
communauté de discours, savoirs ou connaissances satisfaisant
l'âme pour nous y relier (religere > religion) ou bien
aussi une école de pensée-perception propre où on est
forcément terrestrement seul (par la nature, l'expérience même
de la chose) ?
Et bien sûr, nous avons besoin des deux, plus au moins l'un ou
l'autre selon les moments de la vie et la force de vie
disponible.
François Germani, 23 mars
2024
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