08014 - Prenez une vie humaine, peu
importe laquelle, considérez-la dans son ensemble,
suivez son évolution. Vous pouvez y reconnaître trois
parties. L'une comporte tout ce que nous nous
attribuons comme dons innés, comme talents, comme
capacités. La deuxième partie est faite de tous les
développements que prennent nos relations avec nos
semblables, tous les échanges réciproques que nous
avons avec eux, en toute conscience, pour eux comme
pour nous. La troisième partie est constituée par
toute notre expérience, accumulée depuis le début de
notre vie. Notre époque considère ces trois parties un
peu globalement. A vrai dire, elle ne tient compte que
de la deuxième. Vous entendrez bien sûr autour de vous
beaucoup de plaintes sur la place faite aux hommes de
talent. Ils seraient peu considérés. Mais ces plaintes
émanent le plus souvent des hommes de talent
eux-mêmes. L'art d'encourager les talents d'une
manière désintéressée se perd de plus en plus. De la
même manière, on sait de moins en moins apprécier
l'expérience acquise par les hommes. J'ai exprimé
souvent mon avis à ce sujet. Il y a une chose dont
nous avons peu conscience aujourd'hui, c'est que, non
seulement nous prenons de l'âge, mais nous accumulons
par là-même une précieuse expérience. Nous devenons
plus sages, plus avisés. Nous perdons progressivement
le sentiment d'évoluer avec l'âge. Aujourd'hui,
lorsque nous avons atteint un certain âge, nous sommes
considérés tous égaux en sagesse, capables de parler
sur tous les sujets avec la même sagesse, très peu
savent faire la différence entre nos propos, et
apprécier le talent qui nous est propre, ni estimer
l'expérience que nous avons acquise dans la vie. Toute
notre conception de la démocratie repose, en fin de
compte, sur cette inconscience, nous pouvons même dire
que, de cette façon, la démocratie creuse sa propre
tombe, en estimant que chacun, ayant atteint un
certain âge, est capable de discuter en commun avec
ses semblables sur tous les sujets, sur Dieu comme sur
le monde, et de bien d'autres choses encore, comme de
prendre toutes les décisions imaginables.
08015 - Or cette autorité que nous
attribuons à nos semblables et qui leur permet de
discuter valablement dans un échange réciproque
d'idées, elle n'existe que dans un seul domaine de la
vie sociale, dans le domaine de la vie d'Etat. L'Etat
est devenu une idole à tous points de vue, car nous ne
voulons plus considérer autre chose que les impulsions
réciproques qui s'échangent entre les hommes. Nous ne
voulons plus considérer les deux autres domaines comme
deux éléments autonomes au sein de l'organisation
sociale. Pas le domaine de l'organisation spirituelle,
car cela nous obligerait à admettre la valeur des
talents innés de l'individu, et à leur donner leur
juste place. Pas non plus le domaine économique, car
nous devrions tenir compte de la valeur acquise par
l'expérience de chaque individu. La faculté de
jugement s'acquiert, avant toute chose, par la
pratique de la vie économique. Je n'entends pas
seulement la vie économique au sens qu'on pourrait lui
donner en trayant les vaches ou en cuisant les choux,
je parle de la vie économique au sens large du mot.
L'activité économique comporte une bonne part
d'activité spirituelle, dans la mesure où les
ressources de l'esprit peuvent avoir une valeur
économique en agissant sur la production. Il faut
d'ailleurs que l'esprit devienne une source de profit,
sinon personne ne pourrait vivre en mettant seulement
son esprit en jeu. Les activités spirituelles ont
également une valeur dans d'autres domaines, mais
elles doivent avoir aussi une valeur économique. Il
faut considérer avec attention ce genre d'activité
économique qui fait appel à des ressources dé
l'esprit, dans la mesure où cet esprit contribue à la
valeur de la production. C'est cette activité
économique fécondée par l'esprit qui engendre le
savoir-faire, l'expérience.
Or, aujourd'hui, personne n'est plus
capable d'établir une distinction entre les trois
domaines où la nature humaine trouve à s'exprimer,
exception faite de ceux qui ont recours aux
enseignements de la science spirituelle. Les talents
innés dont nous jouissons dans notre vie terrestre
facilitent notre activité spirituelle dans telle ou
telle branche, ou notre habileté manuelle dans tel ou
tel genre de travaux, car les aptitudes physiques
sont, elles aussi, des dons innés. Or, au stade de
développement où l'être humain se trouve aujourd'hui,
toutes ces aptitudes n'appartiennent pas complètement
à l'entité humaine individuelle. Si nous allons au
fond des choses, ce que je vous dis est très paradoxal
mais, plus un homme est génial, moins, en fait, il le
doit à sa personnalité. Car nos talents, nos
aptitudes résultent d'influences cosmiques s'exerçant
avant notre naissance, avant même notre conception,
conjointement avec des forces héréditaires transmises
pendant de nombreuses générations. Voilà, je viens de
vous dire ce qu'il en est réellement. Notre génie, nos
aptitudes individuelles, tout cela est lié aux forces
de la tête. Quel que soit l'organe mettant en jeu nos
aptitudes, même si ces aptitudes semblent résulter
d'une disposition musculaire particulière, elles n'en
ont pas moins leur origine dans la tête. Leur
localisation dans le corps physique humain n'entre pas
en ligne de compte. Vous pouvez être un géant, capable
de briser un tronc d'arbre, même d'une certaine
épaisseur, ou un petit nain, tout cela influence vos
possibilités, vos aptitudes. Eh bien, dans un cas
comme dans l'autre, tout cela a son origine dans la
tête. Tout ce qui peut être considété comme faculté
individuelle innée, tout cela vient de la tête.
08016 - Notre comportement à l'égard de
nos semblables tire son origine des rapports
réciproques que nous avons avec eux entre la naissance
et la mort. C'est le cas pour le langage ainsi que
pour toutes les attitudes sociales que nous prenons de
notre vivant. Mais le fruit de nos expériences, ce
que nous appelons notre expérience s'inscrit dans un
tout autre chapitre. Il est très difficile d'en faire
la somme, beaucoup plus difficile que nous ne
l'imaginons. Nos contemporains deviennent rarement des
hommes expérimentés, car ils n'attachent pas
d'importance à cette expérience. Nous éprouvons même
une certaine pudeur, une gêne à reconnaître ce que
nous devons à notre expérience. Lorsqu'ils doivent
reconnaître qu'après avoir porté un jugement ils sont
obligés, dix ans plus tard, d'avoir un avis différent,
ils ont honte d'eux-mêmes, bien à tort d'ailleurs
mais, néanmoins, c'est bien ce qui se produit. Donner
comme but à sa vie l'acquisition de la sagesse n'est
pas un idéal moderne. Nous gaspillons notre vie en
dirigeant nos efforts vers des buts qui n'ont rien à
voir avec la formation de l'expérience. Pourtant, la
manière dont nous formons notre expérience est bien
l'expression de notre personnalité. Vous pouvez être
un génie de naissance, ce que vous produirez grâce à
votre génie ne devra que peu de chose aux actes que
vous aurez accomplis dans votre précédente
incarnation. Les incarnations précédentes restent le
plus souvent inopérantes dans ce que vous créez par
votre génie. Car le génie est un don résultant
d'interférences entre le cosmos et les forces de
l'hérédité maintenues à travers les générations. Les
génies sont formés pour le bien de l'humanité. Ils ne
tombent pas du ciel pour satisfaire leurs intérêts
personnels.
Mais ce que nous accumulons en nous, en
devenant plus sages d'année en année, jusqu'à notre
vieillesse, nous en éprouvons une sorte de gêne.
Pourtant, le fait de devenir plus raisonnables avec
les années, de profiter des expériences faites au long
de notre vie pour acquérir la sagesse, cela est
directement lié à nos incarnations.
08017 - Voulez-vous que nous voyions de
près ce qu'il en est, à ce sujet, avec une
personnalité comme Goethe? Cet examen nous donnera des
enseignements très riches, très significatifs. Nous
pouvons évidemment parler du génie de Goethe, il
apparaît dès sa jeunesse. Mais ces facultés, présentes
dès son jeune âge, on peut bien le dire, ont la valeur
d'un cadeau tombé du ciel. En plus de cela, il y a
l'apport de ses incarnations précédentes, il apparaît
chez Goethe avec l'âge, à mesure que le personnage
devient plus mûr d'année en année, cela se forme et se
développe petit à petit. Eh bien, cette maturité
acquise par une personne, nos contemporains la
haïssent, tout simplement. Goethe s'en plaignait déjà.
La valeur de ses oeuvres de jeunesse, celles dont il
ne se reconnaissait pas le mérite, était la plus
grande aux yeux de public. Par contre, ce même public
boudait, dans ses oeuvres, le fruit de l'expérience de
toute sa vie qui apparaissait dans ses dernières
productions. Je vous ai souvent cité l'aphorisme
rédigé par lui à propos de la première partie de son
«Faust», à une époque où la deuxième partie n'était
pas encore annoncée:
«Ils applaudissent le Faust et tout ce
qui résonne dans mon oeuvre en flattant leur
goût. Quant à ce qu'ils appellent les vieilles
fadaises, cela les amuse beaucoup, ces canailles, ils
pensent que je n'y suis déjà plus.»
08018 - Mais cette mentalité dure
encore à notre époque. V. Vischer, Souabe authentique,
pourtant très cultivé et doué, n'a pas manqué de
fulminer sur la deuxième partie du «Faust» de Goethe,
il l'a même parodiée et traitée de raccommodage et de
recollage sans valeur, taillée suivant la mode de
l'époque où Goethe vivait.
Ainsi, de nos jours, nous n'apprécions
plus la maturité ni l'expérience acquises. Cette
mentalité correspond tout à fait à l'incapacité où
notre vie nous place lorsque nous devons répondre à la
question: mais quelle est donc la caractéristique d'un
être humain qui a acquis la qualité d'homme? Seulé
l'expérience d'une vie humaine entièrement vécue peut
nous permettre de répondre à cette question. Mais il
est bien entendu que cette expérience humaine a été
acquise tout entière sous la lumière de l'esprit. Au
cours d'une vie humaine individuelle nous devons être
constamment sous l'emprise d'un sentiment précis,
celui d'acquérir notre expérience non pas seulement en
observant la marche des événements d'une manière
superficielle et sensible mais aussi en percevant ce
qui se dégage de la nature profonde des choses.
Il serait presque possible de répondre
à ce souhait en le résumant sous la forme d'une
question bien précise: comment pouvons-nous,
aujourd'hui, dissocier la vie spirituelle et la vie de
l'Etat? Continuer à lier ces deux modes d'existence,
notre vie spirituelle avec notre vie de citoyen,
équivaudrait à nous interdire de développer notre vie
spirituelle dans un sens permettant de tirer de la vie
terrestre toute l'expérience dont nous avons besoin.
L'Etat finirait par dénaturer la vie spirituelle,
faute de pouvoir la suivre dans ses cheminements
intérieurs les plus subtils, les plus indispensables
justement pour former cette expérience valable. Nous
ne pourrions attendre de l'Etat qu'une vie spirituelle
entièrement démocratique, car la vie de l'Etat conduit
nécessairement à la démocratie. La vie spirituelle ne
peut jamais agir dans un sens convenant à la
démocratie si elle veut rester fidèle à ses tendances
profondes. Il faut faire un choix, vous ne pourrez
jamais à la fois descendre dans les profondeurs de la
vie spirituelle ou de la connaissance de l'homme et
respecter les règles de la démocratie. Or, il est
indispensable, pour l'Etat, de jouer strictement le
jeu démocratique. En vivant comme l'Etat vous demande
de le faire, vous ne pouvez juger la conduite de vos
semblables autrement qu'ils ne peuvent juger la vôtre.
Vous comprenez pourquoi, dans ces conditions, il est
impossible d'arriver à connaître la véritable nature
de l'être humain.
Cette connaissance de l'être humain
doit être élaborée dans un domaine édifié strictement
en fonction des activités qui lui sont spécialement
réservées, comme c'est le cas pour le domaine des
activités spirituelles dont l'ensemble constitue la
vie spirituelle. Les hommes continueront à passer les
uns à côté des autres sans se reconnaître aussi
longtemps qu'ils ne se reconnaîtront pas en esprit.
08019 - Cette condition n'était pas
nécessaire dans les temps anciens. A ce moment là, les
hommes n'étaient pas des êtres aussi comliqués
qu'aujourd'hui. D'où vient donc cette complication
supplémentaire. Comme je vous l'ai déjà expliqué, mais
à un autre point de vue, il se trouve que l'espèce
humaine, en tant que telle, ne peut dépasser l'âge de
27 ans. Laissée à elle-même, elle ne peut se
développer que jusqu'à l'âge de 27 ans. L'apport qui
doit s'ajouter par la suite ne se développe pas de
lui-même, comme c'était le cas autrefois. Cette
évolution ultérieure doit faire l'objet d'une
recherche spéciale, d'efforts particuliers.
Aujourd'hui, l'évolution suivie par les jeunes gens
jusqu'à l'âge de 27 ans, résulte d'un apport de
qualités humaines qui affluent vers eux spontanément.
Ils profitent de cet apport, sans avoir besoin
d'intervenir, jusqu'à 27 ans. Arrivés à cet âge, la
vie ne leur apporte plus rien d'elle-même. Ils n'y
peuvent rien. Leur vie risquerait alors d'être creuse
et vide, à notre époque, s'ils ne s'efforçaient de
développer, à partir de ce moment, une vie spirituelle
dont ils ont besoin de s'imprégner. Je vous ai déjà
parlé de cette vague de spiritualité qui se déverse
alors sur l'humanité entière.
08020 - Il s'agit là d'une véritable
crise. Elle débute, dans chaque vie humaine, vers
l'âge de 27 ans, pour durer jusque vers 35 ans. A
notre époque, elle est marquée par une série de
phénomènes caractéristiques. Car tout ce qui pèse en
général sur la vie de notre nature d'homme s'y inscrit
en manifestations isolées particulièrement nettes et
puissantes. Nous avons ainsi connu, il y a peu de
temps, un personnage auquel on prêtait une grande
influence, bien qu'il en eut peu. Il dut prendre, à un
certain moment, une décision importante. Mais, à ce
moment précis, une influence vint à jouer sur cette
personne. Elle avait été incarnée précédemment au 9e
siècle, dans une localité du Sud de l'Europe où elle
s'était livrée à des opérations relevant de la magie
noire. Cette circonstance a été suffisante pour
introduire, au moment où cette décision devait être
prise, un événement inattendu, la mort subite de ce
personnage. Entendons-nous, il ne s'agissait, avec
cette mort, que de la séparation de l'âme qui s'était
réincarnée dans ce corps physique. Malgré cet
événement, notre homme était toujours bien vivant en
apparence. Pensez-donc, quelle aubaine qu'une telle
mort, pour toutes sortes d'esprits ahrimaniens et
autres individualités qui pouvaient continuer leur
séjour dans ce corps privé d'âme.
Il s'agit là d'un événement parmi tous
ceux, très nombreux, qui sont la conséquence des
complications de la vie moderne. Ils interfèrent dans
les actes de nos contemporains, ils infléchissent
leurs destinées. On ne peut guère formuler de jugement
sur de tels incidents sans disposer au moins d'un sens
très spécial qui puisse jouer dans des cas aussi
frappants que celui que je viens de mentionner. Je
l'ai souvent dit, certaines personnes ici présentes
peuvent le confirmer: nous ne pourrons plus, à
l'avenir, porter des jugements sur les événements
précurseurs, ou considérés comme tels, de la dernière
guerre mondiale. On ne pourra plus le faire comme dans
le passé. Lors de ces événements, des
fenêtres étaient béantes et toutes sortes d'esprits
âhrimaniens pouvaient y pénétrer. En juillet' 1914,
des influences spirituelles très spéciales et très
douteuses ont pu s'exercer. Nous ne pouvons donc en
parler valablement à l'avenir, sans tenir compte de
ces facteurs spirituels accessoires et les historiens
qui auront à traiter des causes de la guerre mondiale
ne pourront les négliger.
08021 - Mais pensez combien il est
devenu urgent d'adopter cette manière de voir les
choses. Pensez aux manifestations de la vie que je
viens de placer à la base de ce raisonnement: l'être
humain, jusqu'à l'âge de 7 ans, développe son corps
physique; jusque vers 14 ans, son corps éthérique;
jusque vers 21 ans, son corps astral. De 21 à 28 ans,
l'âme de sentiment s'épanouit. Dans cette période, la
27e année est prépondérante. La période suivante, de
28 à 35 ans, coïncide avec le développement de l'âme
de raison, puis de l'âme de conscience. Comme vous
pouvez le lire dans mon ouvrage «La Théosophie»,
l'organisation du Moi apparaît avec l'âme de raison.
Ainsi, jusqu'à la 27e année, l'être
humain ne reçoit que ce que la nature humaine lui
apporte. Il se développe dans l'attente de voir
apparaître l'organisation du Moi en même temps que
l'âme de raison. Mais cette apparition du Moi ne
vient pas d'elle-même. A partir de la 28e année et
jusqu'à 35 ans, l'évolution de l'être humain n'est
plus spontanée comme avant.
08022 - Nous nous tr6uvons placés
aujourd'hui devant cette question capitale. Nous
devons mener notre vie au-delà de la vingt-septième
année. Nous n'avons rien fait pour développer cette
faculté qui doit devenir le véritable sentiment du Moi
et, avec lui, le sentiment de toute l'humanité, la
connaissance de l'être humain. Qu'en résulte-t-il? Il
en résulte une question: Quelle est donc la véritable
nature de l'Homme? Elle appelle comme réponse,
inéluctablement: laissez-nous tranquilles avec
l'homme, nous voulons le surhomme. Cette réponse a
quelque chose de lyrique. Ou bien encore, nous
entendons: «Je sens en moi quelque chose qui n'est
pas en ordre. J'en déduis que je ne suis pas venu au
monde comme il conviendrait à un homme d'y venir. Je
m'y trouve comme sur une fausse voie. Je ne suis pas
seul dans ce cas, nous sommes nombreux à l'être. Nous
sentons devoir devenir des hommes hors du commun, nous
ne nous soumettons à aucune organisation régulière. A
qui la faute? Nous nous sentons coupables devant
nous-mêmes et devant la vie!»
08023 - Ecoutons maintenant la voie de
la science spirituelle. Comment répond-elle à la
question: quelle est la véritable essence de l'Homme?
C'est la question que pose aujourd'hui notre nature
humaine. Je vous demande à mon tour: Nous avons à
vivre de notre vie spirituelle, elle nous permet de
faire l'expérience vivante de notre esprit, n'est-ce
pas un devoir très important, pour notre avenir, de la
séparer matériellement de la vie démocratique de
l'Etat qui, elle, ne nous permettra jamais d'acquérir
dans notre vie une expérience intérieure?
Nous disposons aujourd'hui de facultés
de théologie, de droit ou de philosophie, de médecine,
de sciences politiques ou de sciences naturelles, je
crois, nous avons toutes ces spécialités. Pensez-vous
que, dans toutes ces facultés, un enseignement puisse
faire allusion, aujourd'hui, à ce que je viens de
vous dire. Y entendrez-vous parler de cette coupure
d'âge critique, entre 28 et 35 ans, où l'âme humaine
peut ressentir un vide intérieur total? Période dans
laquelle la perturbation peut aller si loin que l'âme
en est anéantie et quitte le corps? A partir de ce
moment, s'il en est ainsi, l'homme ne vit plus qu'en
apparence, il est littéralement possédé par une nature
d'essence ahrimanienne.
C'est une nécessité aujourd'hui, la vie
intellectuelle doit déboucher dans la spiritualité, la
complexité de notre vie moderne l'exige.
A notre époque, les questions les plus
importantes ne viennent plus affleurer en surface.
Elles restent enfouies dans le phénomène de la vie
courante. Comment une démocratie purement étatique,
aussi justifiée soit-elle pour le fonctionnement des
rouages de l'Etat, pourrait-elle préparer l'avenir de
l'humanité? Nous aurons besoin, à l'avenir, d'hommes
éclairés, nous en aurons de plus en plus besoin. Ces
hommes auront à nous dire comment ils conçoivent la
vie, ils nous le diront sous la forme de messages
spirituels, ils nous les apporteront du monde
spirituel. Si nous rendions leur mission impossible,
l'évolution de la Terre, faute de ces messages, ne
pourrait pas atteindre les objectifs qui lui sont
fixés.
Une vie spirituelle de ce genre est
liée à la liberté dont elle jouira, de son
indépendance à l'égard de l'Etat, de son autonomie.
Sinon, nous assisterons à la répétition de cette
scène, vécue loin d'ici; il s'agissait, dans une école
supérieure dont les enseignants finissaient par ne
plus avoir rien à dire d'intéressant, de prendre de
nouvelles mesures. Au cours de l'assemblée
démocratique convoquée dans ce but, des orateurs
firent valoir la nécessité de faire appel à des
«capacités». Mais les délégués démocrates
s'opposèrent à cette tendance et, frappant le sol de
leurs bâtons: Nous ne voulons pas de «capacités», nous
voulons des gens de compétence moyenne, des hommes
moyens.
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