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Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 05 - LA VIE JURIDIQUE DEMOCRATIQUE



Sujet: Démocratie plutôt que don et expérience

 

Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes 190 135-143 (1971) 06/04/1919





Traducteur: Daniel Simonnot Editeur: EAR

 

08014 - Prenez une vie humaine, peu importe laquelle, con­sidérez-la dans son ensemble, suivez son évolution. Vous pouvez y reconnaître trois parties. L'une comporte tout ce que nous nous attribuons comme dons innés, comme talents, comme capacités. La deuxième partie est faite de tous les développements que prennent nos relations avec nos semblables, tous les échanges réciproques que nous avons avec eux, en toute conscience, pour eux comme pour nous. La troisième partie est constituée par toute notre expérience, accumulée depuis le début de notre vie. Notre époque considère ces trois parties un peu globalement. A vrai dire, elle ne tient compte que de la deuxième. Vous entendrez bien sûr autour de vous beaucoup de plaintes sur la place faite aux hommes de talent. Ils seraient peu considérés. Mais ces plaintes émanent le plus souvent des hommes de talent eux-mêmes. L'art d'encourager les talents d'une manière désintéressée se perd de plus en plus. De la même manière, on sait de moins en moins apprécier l'expé­rience acquise par les hommes. J'ai exprimé souvent mon avis à ce sujet. Il y a une chose dont nous avons peu conscience aujourd'hui, c'est que, non seulement nous prenons de l'âge, mais nous accumulons par là-même une précieuse expérience. Nous devenons plus sages, plus avisés. Nous perdons progressivement le sentiment d'évoluer avec l'âge. Aujourd'hui, lorsque nous avons atteint un certain âge, nous sommes consi­dérés tous égaux en sagesse, capables de parler sur tous les sujets avec la même sagesse, très peu savent faire la différence entre nos propos, et apprécier le talent qui nous est propre, ni estimer l'expérience que nous avons acquise dans la vie. Toute notre conception de la démo­cratie repose, en fin de compte, sur cette inconscience, nous pouvons même dire que, de cette façon, la démo­cratie creuse sa propre tombe, en estimant que chacun, ayant atteint un certain âge, est capable de discuter en commun avec ses semblables sur tous les sujets, sur Dieu comme sur le monde, et de bien d'autres choses encore, comme de prendre toutes les décisions imaginables.

08015 - Or cette autorité que nous attribuons à nos semblables et qui leur permet de discuter valablement dans un échange réciproque d'idées, elle n'existe que dans un seul do­maine de la vie sociale, dans le domaine de la vie d'Etat. L'Etat est devenu une idole à tous points de vue, car nous ne voulons plus considérer autre chose que les impulsions réciproques qui s'échangent entre les hommes. Nous ne voulons plus considérer les deux autres domaines comme deux éléments autonomes au sein de l'organisa­tion sociale. Pas le domaine de l'organisation spirituelle, car cela nous obligerait à admettre la valeur des talents innés de l'individu, et à leur donner leur juste place. Pas non plus le domaine économique, car nous devrions tenir compte de la valeur acquise par l'expérience de chaque individu. La faculté de jugement s'acquiert, avant toute chose, par la pratique de la vie économique. Je n'entends pas seulement la vie économique au sens qu'on pourrait lui donner en trayant les vaches ou en cuisant les choux, je parle de la vie économique au sens large du mot. L'activité économique comporte une bonne part d'activité spirituelle, dans la mesure où les ressources de l'esprit peuvent avoir une valeur écono­mique en agissant sur la production. Il faut d'ailleurs que l'esprit devienne une source de profit, sinon personne ne pourrait vivre en mettant seulement son esprit en jeu. Les activités spirituelles ont également une valeur dans d'autres domaines, mais elles doivent avoir aussi une valeur économique. Il faut considérer avec attention ce genre d'activité économique qui fait appel à des res­sources dé l'esprit, dans la mesure où cet esprit contribue à la valeur de la production. C'est cette activité économique fécondée par l'esprit qui engendre le savoir-faire, l'expérience.

Or, aujourd'hui, personne n'est plus capable d'établir une distinction entre les trois domaines où la nature humaine trouve à s'exprimer, exception faite de ceux qui ont recours aux enseignements de la science spiri­tuelle. Les talents innés dont nous jouissons dans notre vie terrestre facilitent notre activité spirituelle dans telle ou telle branche, ou notre habileté manuelle dans tel ou tel genre de travaux, car les aptitudes physiques sont, elles aussi, des dons innés. Or, au stade de développe­ment où l'être humain se trouve aujourd'hui, toutes ces aptitudes n'appartiennent pas complètement à l'en­tité humaine individuelle. Si nous allons au fond des choses, ce que je vous dis est très paradoxal mais, plus un homme est génial, moins, en fait, il le doit à sa person­nalité. Car nos talents, nos aptitudes résultent d'in­fluences cosmiques s'exerçant avant notre naissance, avant même notre conception, conjointement avec des forces héréditaires transmises pendant de nombreuses générations. Voilà, je viens de vous dire ce qu'il en est réellement. Notre génie, nos aptitudes individuelles, tout cela est lié aux forces de la tête. Quel que soit l'organe mettant en jeu nos aptitudes, même si ces aptitudes semblent résulter d'une disposition muscu­laire particulière, elles n'en ont pas moins leur origine dans la tête. Leur localisation dans le corps physique humain n'entre pas en ligne de compte. Vous pouvez être un géant, capable de briser un tronc d'arbre, même d'une certaine épaisseur, ou un petit nain, tout cela influence vos possibilités, vos aptitudes. Eh bien, dans un cas comme dans l'autre, tout cela a son origine dans la tête. Tout ce qui peut être considété comme faculté individuelle innée, tout cela vient de la tête.

08016 - Notre comportement à l'égard de nos semblables tire son origine des rapports réciproques que nous avons avec eux entre la naissance et la mort. C'est le cas pour le langage ainsi que pour toutes les attitudes sociales que nous prenons de notre vivant. Mais le fruit de nos expé­riences, ce que nous appelons notre expérience s'inscrit dans un tout autre chapitre. Il est très difficile d'en faire la somme, beaucoup plus difficile que nous ne l'imaginons. Nos contemporains deviennent rarement des hommes expérimentés, car ils n'attachent pas d'im­portance à cette expérience. Nous éprouvons même une certaine pudeur, une gêne à reconnaître ce que nous devons à notre expérience. Lorsqu'ils doivent recon­naître qu'après avoir porté un jugement ils sont obligés, dix ans plus tard, d'avoir un avis différent, ils ont honte d'eux-mêmes, bien à tort d'ailleurs mais, néanmoins, c'est bien ce qui se produit. Donner comme but à sa vie l'acquisition de la sagesse n'est pas un idéal moderne. Nous gaspillons notre vie en dirigeant nos efforts vers des buts qui n'ont rien à voir avec la formation de l'ex­périence. Pourtant, la manière dont nous formons notre expérience est bien l'expression de notre personnalité. Vous pouvez être un génie de naissance, ce que vous produirez grâce à votre génie ne devra que peu de chose aux actes que vous aurez accomplis dans votre précédente incarnation. Les incarnations précédentes restent le plus souvent inopérantes dans ce que vous créez par votre génie. Car le génie est un don résultant d'interférences entre le cosmos et les forces de l'héré­dité maintenues à travers les générations. Les génies sont formés pour le bien de l'humanité. Ils ne tombent pas du ciel pour satisfaire leurs intérêts personnels.

Mais ce que nous accumulons en nous, en devenant plus sages d'année en année, jusqu'à notre vieillesse, nous en éprouvons une sorte de gêne. Pourtant, le fait de devenir plus raisonnables avec les années, de profiter des expériences faites au long de notre vie pour ac­quérir la sagesse, cela est directement lié à nos incarna­tions.

08017 - Voulez-vous que nous voyions de près ce qu'il en est, à ce sujet, avec une personnalité comme Goethe? Cet examen nous donnera des enseignements très riches, très significatifs. Nous pouvons évidemment parler du génie de Goethe, il apparaît dès sa jeunesse. Mais ces facultés, présentes dès son jeune âge, on peut bien le dire, ont la valeur d'un cadeau tombé du ciel. En plus de cela, il y a l'apport de ses incarnations précédentes, il apparaît chez Goethe avec l'âge, à mesure que le per­sonnage devient plus mûr d'année en année, cela se forme et se développe petit à petit. Eh bien, cette matu­rité acquise par une personne, nos contemporains la haïssent, tout simplement. Goethe s'en plaignait déjà. La valeur de ses oeuvres de jeunesse, celles dont il ne se reconnaissait pas le mérite, était la plus grande aux yeux de public. Par contre, ce même public boudait, dans ses oeuvres, le fruit de l'expérience de toute sa vie qui apparaissait dans ses dernières productions. Je vous ai souvent cité l'aphorisme rédigé par lui à propos de la première partie de son «Faust», à une époque où la deuxième partie n'était pas encore annoncée:

«Ils applaudissent le Faust et tout ce qui résonne dans mon oeuvre en flattant leur goût. Quant à ce qu'ils appellent les vieilles fadaises, cela les amuse beaucoup, ces canailles, ils pensent que je n'y suis déjà plus.»

08018 - Mais cette mentalité dure encore à notre époque. V. Vischer, Souabe authentique, pourtant très cultivé et doué, n'a pas manqué de fulminer sur la deuxième partie du «Faust» de Goethe, il l'a même parodiée et traitée de raccommodage et de recollage sans valeur, taillée suivant la mode de l'époque où Goethe vivait.

Ainsi, de nos jours, nous n'apprécions plus la maturité ni l'expérience acquises. Cette mentalité correspond tout à fait à l'incapacité où notre vie nous place lorsque nous devons répondre à la question: mais quelle est donc la caractéristique d'un être humain qui a acquis la qualité d'homme? Seulé l'expérience d'une vie humaine en­tièrement vécue peut nous permettre de répondre à cette question. Mais il est bien entendu que cette expérience humaine a été acquise tout entière sous la lumière de l'esprit. Au cours d'une vie humaine individuelle nous devons être constamment sous l'emprise d'un senti­ment précis, celui d'acquérir notre expérience non pas seulement en observant la marche des événements d'une manière superficielle et sensible mais aussi en percevant ce qui se dégage de la nature profonde des choses.

Il serait presque possible de répondre à ce souhait en le résumant sous la forme d'une question bien précise: comment pouvons-nous, aujourd'hui, dissocier la vie spirituelle et la vie de l'Etat? Continuer à lier ces deux modes d'existence, notre vie spirituelle avec notre vie de citoyen, équivaudrait à nous interdire de développer notre vie spirituelle dans un sens permettant de tirer de la vie terrestre toute l'expérience dont nous avons besoin. L'Etat finirait par dénaturer la vie spirituelle, faute de pouvoir la suivre dans ses cheminements intérieurs les plus subtils, les plus indispensables justement pour for­mer cette expérience valable. Nous ne pourrions attendre de l'Etat qu'une vie spirituelle entièrement démocratique, car la vie de l'Etat conduit nécessairement à la démocratie. La vie spirituelle ne peut jamais agir dans un sens convenant à la démocratie si elle veut rester fidèle à ses tendances profondes. Il faut faire un choix, vous ne pourrez jamais à la fois descendre dans les pro­fondeurs de la vie spirituelle ou de la connaissance de l'homme et respecter les règles de la démocratie. Or, il est indispensable, pour l'Etat, de jouer strictement le jeu démocratique. En vivant comme l'Etat vous de­mande de le faire, vous ne pouvez juger la conduite de vos semblables autrement qu'ils ne peuvent juger la vôtre. Vous comprenez pourquoi, dans ces conditions, il est impossible d'arriver à connaître la véritable nature de l'être humain.

Cette connaissance de l'être humain doit être élabo­rée dans un domaine édifié strictement en fonction des activités qui lui sont spécialement réservées, comme c'est le cas pour le domaine des activités spirituelles dont l'ensemble constitue la vie spirituelle. Les hommes continueront à passer les uns à côté des autres sans se reconnaître aussi longtemps qu'ils ne se reconnaîtront pas en esprit.

08019 - Cette condition n'était pas nécessaire dans les temps anciens. A ce moment là, les hommes n'étaient pas des êtres aussi comliqués qu'aujourd'hui. D'où vient donc cette complication supplémentaire. Comme je vous l'ai déjà expliqué, mais à un autre point de vue, il se trouve que l'espèce humaine, en tant que telle, ne peut dépasser l'âge de 27 ans. Laissée à elle-même, elle ne peut se développer que jusqu'à l'âge de 27 ans. L'apport qui doit s'ajouter par la suite ne se développe pas de lui-même, comme c'était le cas autrefois. Cette évolution ultérieure doit faire l'objet d'une recherche spéciale, d'efforts particuliers. Aujourd'hui, l'évolution suivie par les jeunes gens jusqu'à l'âge de 27 ans, résulte d'un apport de qualités humaines qui affluent vers eux spon­tanément. Ils profitent de cet apport, sans avoir besoin d'intervenir, jusqu'à 27 ans. Arrivés à cet âge, la vie ne leur apporte plus rien d'elle-même. Ils n'y peuvent rien. Leur vie risquerait alors d'être creuse et vide, à notre époque, s'ils ne s'efforçaient de développer, à partir de ce moment, une vie spirituelle dont ils ont besoin de s'imprégner. Je vous ai déjà parlé de cette vague de spiritualité qui se déverse alors sur l'humanité entière.

08020 - Il s'agit là d'une véritable crise. Elle débute, dans chaque vie humaine, vers l'âge de 27 ans, pour durer jusque vers 35 ans. A notre époque, elle est marquée par une série de phénomènes caractéristiques. Car tout ce qui pèse en général sur la vie de notre nature d'homme s'y inscrit en manifestations isolées particulièrement nettes et puissantes. Nous avons ainsi connu, il y a peu de temps, un personnage auquel on prêtait une grande influence, bien qu'il en eut peu. Il dut prendre, à un certain moment, une décision importante. Mais, à ce moment précis, une influence vint à jouer sur cette personne. Elle avait été incarnée précédemment au 9e siècle, dans une localité du Sud de l'Europe où elle s'était livrée à des opérations relevant de la magie noire. Cette circonstance a été suffisante pour introduire, au moment où cette décision devait être prise, un évé­nement inattendu, la mort subite de ce personnage. Entendons-nous, il ne s'agissait, avec cette mort, que de la séparation de l'âme qui s'était réincarnée dans ce corps physique. Malgré cet événement, notre homme était toujours bien vivant en apparence. Pensez-donc, quelle aubaine qu'une telle mort, pour toutes sortes d'esprits ahrimaniens et autres individualités qui pou­vaient continuer leur séjour dans ce corps privé d'âme.

Il s'agit là d'un événement parmi tous ceux, très nombreux, qui sont la conséquence des complications de la vie moderne. Ils interfèrent dans les actes de nos con­temporains, ils infléchissent leurs destinées. On ne peut guère formuler de jugement sur de tels incidents sans disposer au moins d'un sens très spécial qui puisse jouer dans des cas aussi frappants que celui que je viens de mentionner. Je l'ai souvent dit, certaines personnes ici présentes peuvent le confirmer: nous ne pourrons plus, à l'avenir, porter des jugements sur les événements précurseurs, ou considérés comme tels, de la dernière guerre mondiale. On ne pourra plus le faire comme dans le passé. Lors de ces événements, des fenêtres étaient béantes et toutes sortes d'esprits âhrimaniens pouvaient y pénétrer. En juillet' 1914, des influences spirituelles très spéciales et très douteuses ont pu s'exercer. Nous ne pouvons donc en parler valablement à l'avenir, sans tenir compte de ces facteurs spirituels accessoires et les historiens qui auront à traiter des causes de la guerre mondiale ne pourront les négliger.

08021 - Mais pensez combien il est devenu urgent d'adopter cette manière de voir les choses. Pensez aux manifesta­tions de la vie que je viens de placer à la base de ce raisonnement: l'être humain, jusqu'à l'âge de 7 ans, développe son corps physique; jusque vers 14 ans, son corps éthérique; jusque vers 21 ans, son corps astral. De 21 à 28 ans, l'âme de sentiment s'épanouit. Dans cette période, la 27e année est prépondérante. La période suivante, de 28 à 35 ans, coïncide avec le développement de l'âme de raison, puis de l'âme de conscience. Comme vous pouvez le lire dans mon ouvrage «La Théosophie», l'organisation du Moi apparaît avec l'âme de raison.

Ainsi, jusqu'à la 27e année, l'être humain ne reçoit que ce que la nature humaine lui apporte. Il se développe dans l'attente de voir apparaître l'organisation du Moi en même temps que l'âme de raison. Mais cette appa­rition du Moi ne vient pas d'elle-même. A partir de la 28e année et jusqu'à 35 ans, l'évolution de l'être humain n'est plus spontanée comme avant.

08022 - Nous nous tr6uvons placés aujourd'hui devant cette question capitale. Nous devons mener notre vie au-delà de la vingt-septième année. Nous n'avons rien fait pour développer cette faculté qui doit devenir le véritable sentiment du Moi et, avec lui, le sentiment de toute l'humanité, la connaissance de l'être humain. Qu'en résulte-t-il? Il en résulte une question: Quelle est donc la véritable nature de l'Homme? Elle appelle comme réponse, inéluctablement: laissez-nous tranquilles avec l'homme, nous voulons le surhomme. Cette réponse a quelque chose de lyrique. Ou bien encore, nous en­tendons: «Je sens en moi quelque chose qui n'est pas en ordre. J'en déduis que je ne suis pas venu au monde comme il conviendrait à un homme d'y venir. Je m'y trouve comme sur une fausse voie. Je ne suis pas seul dans ce cas, nous sommes nombreux à l'être. Nous sentons devoir devenir des hommes hors du commun, nous ne nous soumettons à aucune organisation ré­gulière. A qui la faute? Nous nous sentons coupables devant nous-mêmes et devant la vie!»

08023 - Ecoutons maintenant la voie de la science spirituelle. Comment répond-elle à la question: quelle est la véri­table essence de l'Homme? C'est la question que pose aujourd'hui notre nature humaine. Je vous demande à mon tour: Nous avons à vivre de notre vie spirituelle, elle nous permet de faire l'expérience vivante de notre esprit, n'est-ce pas un devoir très important, pour notre avenir, de la séparer matériellement de la vie dé­mocratique de l'Etat qui, elle, ne nous permettra jamais d'acquérir dans notre vie une expérience intérieure?

Nous disposons aujourd'hui de facultés de théologie, de droit ou de philosophie, de médecine, de sciences politiques ou de sciences naturelles, je crois, nous avons toutes ces spécialités. Pensez-vous que, dans toutes ces facultés, un enseignement puisse faire allusion, aujour­d'hui, à ce que je viens de vous dire. Y entendrez-vous parler de cette coupure d'âge critique, entre 28 et 35 ans, où l'âme humaine peut ressentir un vide intérieur total? Période dans laquelle la perturbation peut aller si loin que l'âme en est anéantie et quitte le corps? A par­tir de ce moment, s'il en est ainsi, l'homme ne vit plus qu'en apparence, il est littéralement possédé par une nature d'essence ahrimanienne.

C'est une nécessité aujourd'hui, la vie intellectuelle doit déboucher dans la spiritualité, la complexité de notre vie moderne l'exige.

A notre époque, les questions les plus importantes ne viennent plus affleurer en surface. Elles restent enfouies dans le phénomène de la vie courante. Comment une démocratie purement étatique, aussi justifiée soit-elle pour le fonctionnement des rouages de l'Etat, pourrait-elle préparer l'avenir de l'humanité? Nous aurons be­soin, à l'avenir, d'hommes éclairés, nous en aurons de plus en plus besoin. Ces hommes auront à nous dire comment ils conçoivent la vie, ils nous le diront sous la forme de messages spirituels, ils nous les apporteront du monde spirituel. Si nous rendions leur mission im­possible, l'évolution de la Terre, faute de ces messages, ne pourrait pas atteindre les objectifs qui lui sont fixés.

Une vie spirituelle de ce genre est liée à la liberté dont elle jouira, de son indépendance à l'égard de l'Etat, de son autonomie. Sinon, nous assisterons à la répétition de cette scène, vécue loin d'ici; il s'agissait, dans une école supérieure dont les enseignants finissaient par ne plus avoir rien à dire d'intéressant, de prendre de nou­velles mesures. Au cours de l'assemblée démocratique convoquée dans ce but, des orateurs firent valoir la nécessité de faire appel à des «capacités». Mais les délé­gués démocrates s'opposèrent à cette tendance et, frap­pant le sol de leurs bâtons: Nous ne voulons pas de «capacités», nous voulons des gens de compétence moyenne, des hommes moyens.