Première partie :
Se tenir consciemment dans la vie
Que faites-vous quand vous avez remarqué que vous vous êtes trompé de train ? Vous restez assis à votre place en imaginant l’endroit où vous allez arriver ou bien vous repérez rapidement où vous vous trouvez et vous changez de train dès que possible ?
Aujourd’hui, nous bénéficions de formations professionnelles qui nous permettent de nous insérer dans le système. Celui-ci peut même nous apprendre à « faire de l’argent » dans les meilleures conditions. Mais sommes-nous réellement formés à l’intelligence économique ?
Apprenons-nous à évaluer les effets sociaux, écologiques et économiques de nos actions ? Apprenons-nous à juger si notre travail a vraiment du sens ? Apprenons-nous ce que signifie développement humain et naturel ? Apprenons-nous à avoir une réflexion critique collective susceptible d’apporter à notre travail les modifications qui s’imposent ? Apprenons-nous ce qu’est vraiment la monnaie, d’où elle vient et quel est son rôle dans les différents domaines de l’économie réelle et de l’économie spéculative ? Est-ce de la responsabilité d’un système que ces questions de vie fondamentales soient quasiment tabou dans les écoles et les média ?
Pour concevoir en pleine conscience les conditions de vie, il ne me reste rien d’autre à faire que d’approfondir encore et encore ces questions-là.
Pourquoi avons-nous besoin d’un ordre économique et monétaire durable ?
Les observations qui suivent montrent l’impasse de notre système économique et les raisons pour lesquelles il est urgent que nous nous donnions un ordre économique et monétaire durable.
° Le développement des hommes et de la nature est de plus en plus soumis à la maximisation économique des profits. Notre système économique néolibéral encourage la croissance de l’économie réelle, mais aussi la croissance échevelée d’une industrie financière spéculative fictive. Avant 1980, les mouvements financiers mondiaux de l’économie réelle étaient encore supérieurs à ceux de l’économie spéculative. Aujourd’hui, l’économie spéculative fait un chiffre d’affaires environ 60 fois supérieur à celui de l’économie réelle, une tendance qui augmente fortement ! Vous êtes-vous déjà demandé ce que « produit » cette « industrie financière » avec ses « produits » ? Dans notre système, faire de l’argent avec de l’argent sur le dos des autres, c’est infiniment plus simple que de faire un travail intéressant. Ce monde illusoire et fragile est sans cesse soumis à de dangereuses fluctuations. C’est ainsi que la moindre information inquiétante peut suffire à déclencher instantanément une panique générale, à provoquer l’écroulement de ce château de cartes et, par la même occasion, à entrainer l’économie réelle dans l'abime…
Notre système économique, qui repose sur un système d’intérêts cumulés, induit une « contrainte à la croissance économique » ; il ne pourra pas échapper à la faillite du fait de sa fonction exponentielle de croissance[1] ! Jusqu’ici, du fait même du système, les riches deviennent de plus en plus riches et les travailleurs de plus en plus pauvres. 1 % de la population mondiale possède davantage que les 99 % restants.
« Freihandels- und Globalisierungsmaschine (News STOP CETA!) »
° L’« industrie financière » spéculative possède aujourd’hui la majeure partie des gisements de matières premières, des installations industrielles, des systèmes de transport et des chaînes de distribution. Son seul but est le profit. Plus de la moitié de l’argent que nous dépensons pour acheter des biens de consommation est récupérée par des marchés financiers qui enflent très vite. Cela se fait aux dépens de l’homme, de la nature et de l’économie réelle, mais cela ne gêne que les pauvres, même si la classe moyenne est elle aussi de plus en plus pressurée.
Notre système financier actuel nous encourage à tous points de vue à penser et à agir dans un esprit concurrentiel et égoïste. Le gaspillage, l’ignorance, l’arrogance et l’avarice dominent de plus en plus le cadre des relations, y compris dans les couches les plus pauvres de la population. Même nos enfants et les écoles sont imprégnées de cela. La perte de réalité par enseignement tourné exclusivement vers l’intellectuel et la dépendance vis-à-vis des media électroniques rendent cette misère encore plus grave. Quelle sorte d'avenir se développe là ?
° L’industrie financière, avec l’aide des groupes économiques, de leurs représentants politiques et de leurs médias de masse, revendique haut et fort la libéralisation des marchés et l’injection d'argent (financés par nos impôts) en vue de la croissance économique puisque celle-ci est évidemment la meilleure recette. Dans les pays riches, les effets de cette recette contre-nature se répercutent jusque sur les êtres humains et la nature : chômage, perte de terres arables, pollution de l’environnement, hausse de 30 % du CO2 dans l’atmosphère, perte de 50 % de l’humus depuis le début de l’industrialisation de l’agriculture, fonte des glaciers, épuisement des matières premières, nombre croissant de gens paralysées ou dépendants de la psychopharmacologie, pression migratoire en hausse constante, etc.
Notre système permet de spéculer sur les terrains constructibles et sur les terres agricoles. Comme, par ailleurs, la plupart des crédits doivent être garantis sur des avoirs immobiliers ou des domaines ruraux, la terre est de plus en plus convoitée. Cette forte hausse du prix des terres agricoles se répercute à l’autre bout de la chaine dans l’augmentation des baux et des prix à la consommation.
° La monnaie nouvellement créée l’est à 90 % lorsque les banques privées octroient des crédits. Comme pour les banques seul compte le profit maximal, cette monnaie se retrouve essentiellement sur les marchés financiers spéculatifs, au point que les banques centrales ne sont plus en mesure de gérer les flux financiers ou l’économie.
° La plupart des banques, des caisses de retraite et d’assurance spéculent avec notre argent ! Ainsi, nous sommes nous mêmes embarqués — à notre insu — dans cette exploitation des êtres humains et de la nature.
° En six ans, les dettes officielles des Etats ont augmenté de 80 % pour atteindre 43 000 milliards de dollars US (d’après la BRI — Banque des règlements internationaux —, rapport du 10 mars 2014). Cela représente les deux tiers du produit intérieur brut mondial. Face à ces dettes, on trouve de puissantes concentrations financières des marchés financiers. C’est un dangereux transfert de pouvoir, qui ne tend qu’à s’accentuer. Le monde de la finance, qui « n’a pas de nom », n’étend plus seulement sa puissance sur la politique et les conditions de vie au niveau mondial, mais aussi de plus en plus sur nos vies sociales et culturelles.
° Les petits spéculateurs improductifs et ennemis de la vie paient seulement peu d’impôts, les grands, presque pas et, quand ils en paient, c’est souvent dans un paradis fiscal.
° Les charges fiscales et sociales (qui seront aussi utilisées pour les dégâts sociaux et environnementaux causés par les grands groupes dont les propriétaires sont anonymes) pèsent essentiellement sur les épaules de la partie de la population qui travaille vraiment…
° Les services sociaux et médicaux ne relèvent presque plus que de points de vue institutionnels et économiques. L'être humain est dégradé au rang d’objet économique auquel on attribue un numéro d’ordre.
° L’automatisation et l’informatisation rabaissent l'être humain au statut de larbin du système. Le commerce des devises et le marché boursier eux-mêmes ne sont presque plus gérés que par des ordinateurs à haute fréquence.
° Les gens qui ont un emploi, même s’ils deviennent de plus en plus rares, sont ceux qui paient la plus grande partie des impôts et des charges sociales. Les machines, ordinateurs et robots, ne paient pas ces contributions.
° Les petits et moyens entrepreneurs, créatifs et indépendants, se font de plus en plus rares dans notre société alors que l’armée des travailleurs dépendants et bénéficiaires d’aide sociale ne fait que s’accroître.
° Nos hommes politiques bradent à vil prix à des spéculateurs toutes sortes de terrains, immeubles, entreprises de service et d’approvisionnement. En général, on ne teste même pas l’option d’une location à bail, comme c’est le cas dans le cadre du « droit de superficie ». Ainsi nos moyens de subsistance, la terre, l’eau, la santé, les relations etc. finissent-ils de plus en plus dans les griffes de puissances inconnues, pour lesquelles l’intérêt se limite à la puissance et au profit. (Les Africains exploités et expropriés sont de plus en plus nombreux à s’enfuir vers l’Europe, pour leur survie. Où donc s’enfuiront les Européens quand les expropriations les auront atteints ? A la fin, ils auront du mal à émigrer tous ensemble dans des marchés financiers. Peut-être pourront-ils alors se nourrir de monnaie électronique ?)
° La globalisation s’étend de plus en plus vite sous couvert d’« accords de libre-échange », au point que l’indépendance démocratique et économique de régions, voire de pays entiers, est remise en cause.
° Quand les politiciens font une fois une erreur peut se contenter d’en assumer la responsabilité en ce qu'ils tirent la révérence et partent avec une bonne pension. Ce sont les contribuables qui paieront l’ardoise.
° La progression des extrêmes entre l’Ouest et l’Est, le Sud et le Nord, les riches et les pauvres intensifie les troubles politiques et sociaux, la pression à l’émigration et les risques de terrorisme et de guerre.
° La connexion économique et géopolitique de l’Europe aux USA polarise encore plus le monde. Les tensions entre l’Ouest et l’Est ne font que s’accroître aux dépens des pays les plus pauvres. Ces conflits sont, la plupart du temps, exportés dans ces pays tiers dans lesquels on attise les conflits internes. L’Europe ne remplit pas son rôle pondérateur de médiateur entre l’Est et l’Ouest.
° Nos droits fondamentaux, comme nos droits de l’Homme, sont minés, d’une part par des relations qui deviennent de plus en plus chaotiques, d’autre part par le diktat des marchés financiers et de leurs complices en politique ou dans les media.
° Sur tous ces points, on n’aide pas les gens à se forger une opinion indépendante ; c’est que nos faiseurs d’opinion, les mass media, sont tenus d’une main de fer par les marchés financiers.
Ignorants que nous sommes de ces injustices croissantes, nous nous dirigeons de plus en plus vite vers des catastrophes humanitaires et écologiques. Des populations entières, qu’elles soient en guerre ou en fuite, ne trouvent plus d’eau ni de nourriture. Une grande partie de l’humanité n’a plus aucun espoir d’améliorer ses conditions de vie. Même dans les pays riches, de plus en plus nombreux sont ceux qui sont menacés dans leur existence ou qui craignent de perdre leur statut social et deviennent dépressifs.
L’idéal passe avant le compromis
Nous avons conscience qu’il faut changer quelque chose, mais pourquoi nous laissons-nous toujours éblouir par le confort ? Pourquoi n’ai-je pas plus souvent le courage d’avancer sur mes véritables idéaux de vie et d’en faire ma ligne de conduite ? Serais-je donc devenu si matérialiste déjà que ni les idées ni les idéaux ne peuvent plus avoir de prise sur moi ?
Un peuple avec des êtres humains sans idéal est facile à mener parce qu’il accepte la manipulation et le paternalisme, parce qu’il ne refuse aucun compromis.
Dans toute société, le mouvement ne provient que des idéalistes convaincus.
Un exemple tiré du passé récent : combien de décennies avons-nous supporté sans broncher, en personnes conciliantes que nous étions, que des gens fument dans les lieux publics et au travail ? Il a fallu qu’une poignée d’idéalistes s’emparent de cette question pour que nous soyons libérés de ce joug nocif. Leur foi en un avenir plus sain a été plus forte que le lobby des fumeurs. Aujourd’hui, la plupart des fumeurs ne voudraient pas revenir à des relations si irrespectueuses.
Aujourd’hui, nous acceptons presque sans rien dire les agissements exploiteurs de l’industrie financière avec ses spéculateurs. De même qu'autrefois nous avons installé des cendriers aux fumeurs, de même aujourd’hui, nous mettons nos rentes et avoir sur livret à la disposition de ces loups en peau de mouton, parce que nous voulons prendre part à leurs profit.
Plutôt que de nous résigner aux difficultés du jour, nous ferions mieux de nous enthousiasmer pour les potentiels d’avenir humain. L’homme est le seul être capable de se tirer lui-même du bourbier en se prenant par la main. C’est pour cela qu’il nous faut apprendre à penser à partir de l’avenir.
Chacun connaît certainement quelqu'un qui par dépendance à l'alcool se débat dans des difficultés sociales, économiques et sanitaires. lui proposer un compromis de boire seulement un peu moins n'aidera pas beaucoup. Il doit être confronter à l’idéal de l’abstinence et à une nouvelle vie créatrice. C’est le seul moyen pour lui d'amener de nouveau en ordre ses rapports.
Vis-à-vis de notre système néolibéral, il convient aussi d’adopter une attitude énergique. Nous verrons plus précisément encore plus loin dans ce livre pourquoi il ne faut faire aucune concession à ces messieurs de la finance spéculative : ce sont les possibilités d’évolution qui en dépendent.
Notre richesse actuelle, c’est aux idéaux et au travail de développement de nombreuses générations, oui de périodes culturelles entières que nous la devons. Quels idéaux, quelle contribution apportons-nous aux générations futures ? Sommes-nous reconnaissants des contributions de nos aînés ? Montrons-nous de la responsabilité pour les prochaines générations ?
Objectifs
Je voudrais montrer au lecteur des possibilités d’évolution qualitative. Il s’agit pour moi, de transformer notre économie financière et de destruction de la nature axée sur le profit en une économie axée sur les besoins, construisant socialement et culturellement.
Dans tous les domaine de vie se développent par la force d'initiative d'êtres humains particuliers toujours plus d’exemple qui montrent la direction. Un grand exemple sont pour moi les personnalités qui, dans cet océan de misère qu’a été la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ont eu la grandeur et le courage d'utiliser le moment ouvert et formuler la Déclaration des droits de l’Homme et d’inciter les Etats à bouger pour leur reconnaissance. Dans notre monde actuel axé sur la recherche du profit et sur l’argent, ce ne serait plus possible. Mais ils existent, officiels et liants juridiquement. Au moment où un Etat souhaite entrer au sein de l’Organisation des nations unies (onu), il doit nécessairement reconnaître cette Déclaration des droits de l’Homme. Et donc la plupart des Etats y sont tenus. Il nous faut sans cesse nous les rappeler à nous-mêmes, mais aussi aux Etats, et en exiger l’application. Dans les trente articles de la Déclaration, nous trouverons, pour autant qu’ils y figurent, les fondements de l’amélioration de notre monde. Ils valent d’être rappelés ici.
[1]A 5 % d’intérêt, une somme double en 14 ans ! Si Joseph, il y a 2 000 ans, avait déposé 1g d’or à 5 % d’intérêt, l’humanité dans son ensemble ne serait pas capable de rembourser à un héritier ce prêt avec les intérêts cumulés. La pépite d’or devrait aujourd’hui être des millions de fois plus grosse que la Terre. Les effondrements économiques et les guerres, dans l’histoire, relèvent au moins en partie de ce fait.