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Johannes Kiersch - L’ÉSOTÉRISME INDIVIDUALISÉ DE RUDOLF STEINER AUTREFOIS ET MAINTENANT
À propos du développement de l'Université libre pour la science de l’esprit   retour au sommaire

7 - Comment la première classe peut-elle « ressusciter » ?


Il est maintenant tentant/il serait maintenant tenté de résumer les propos des premiers « intermédiaires » évoqués dans le chapitre précédent dans leur pensée centrale/noyau et de les placer vis-à-vis des propos de la personnalité qui a été placée à l'origine par Rudolf Steiner comme sa plus proche collaboratrice dans la direction de l'Université libre pour la Science de l'Esprit et est restée fidèle jusqu’à la fin à la mission qui lui a été confiée.532 En cela, il se montre un étrange mouvement contraire dans l’évolution/le développement. Les ésotéristes fiables et sérieusement engagés chargés par Rudolf Steiner du faire-passer/de la transmission et de la protection des mantras de l’université ont– avec dans l’essentiel seulement une exception - eu à maîtriser leur tâche difficile pendant une série d'années plus ou moins longues sans avoir un aperçu des transcriptions des conférences/leçons. Beaucoup d'entre eux ont en outre été confrontés à la nécessité de traduire les mantras dans leur langue maternelle et à l'élaboration indépendante d’une terminologie et conceptualité appropriée. Comme il n'y avait pas de texte fixe comme base, leur tâche était toujours de résoudre de neuf en fonction d'une situation humaine modifiée. Ils ne pouvaient pas non plus compter sur une autorité officielle/de fonction sécurisée. Finalement, ils ont été exposés au désir pressant des membres d’avoir la permission d'entendre les textes authentiques, le mot originel de Rudolf Steiner. Ainsi, avec plus ou moins d'hésitation, au fil du temps, ils passent tous à la lecture à haute voix des transcriptions publiées entre temps.

 

C'est tout à fait compréhensible au vu de la situation historique d'alors. Les personnes chargées par Rudolf Steiner de la transmission du bien d’enseignement mantrique avaient été préparées par lui aussi bien que pas du tout à leur tâche pleine de responsabilité. Il n'y a aucune indication sur une formation spéciale pour cela, aucune trace d'un transfert solennel de fonction, comme c'était et c’est d'usage dans les sociétés secrètes, comme les francs-maçons ou les églises, ou aussi seulement d’un entretien commun / d'une réunion commune de tous les participants avec Rudolf Steiner.

532 Indication de citation, sauf indication contraire, dans les chapitres 5 et 6 et dans l'annexe.

[189]

Leurs efforts personnels pour faire en sorte que le précieux bien d’enseignement soit transmis en fonction de la situation sont poussés ainsi à la limite/à la marge de l'attention des participants des heures de classe. Lorsqu’alors les transcriptions des textes seront finalement publiées après des années pour être lues, cela sera généralement accueilli avec reconnaissance. Chacun peut maintenant entendre ce que le grand maître lui-même a dit au sujet des mystérieux mantras des heures. Les contributions imparfaites des modestes « intermédiaires » apparaissent accessoires vis-à-vis de cela. Et en même temps, entre avec cela pleinement dans l’arrière plan de la conscience, ce qui était déjà avant seulement très clair à très peu auparavant : que pour Rudolf Steiner était à faire dès le début de la construction de l'université de laisser  chaque nouvelle heure de leçon ésotériques devenir un nouvel événement, une approche du monde vivant de l’esprit. Ce dont il s’agit se voit déjà dans ses remarques sur la pratique de l'école Waldorf, peu de semaines après sa fondation en 1919. Là il ne s'agit pas d'une « pédagogie de norme », non pas de « exercer une pédagogie apprise de mémoire », mais beaucoup plus de « réinventer à chaque moment, vis-à-vis de l’humain vivant, la méthode individuelle que l’ont a à tout de suite à appliquer/utiliser vis-à-vis de cet humain vivant ». Il en va de même pour le « parler à partir de l'esprit », comme il l'avait toujours entrepris de neuf dans ses conférences.533 Les déclarations ultérieures de Steiner de ne pas reproduire de mémoire ce qui a été vu en esprit pointent dans une direction similaire sur la nécessité, mais d'un « être lié instantané avec le monde spirituel »", de « présence de l'esprit ».534

 

 Dans la quatrième heure de classe, Rudolf Steiner éclaire alors ce qui plane devant lui, en utilisant l'exemple de mots révolutionnaires qu'il laisse le professeur d'un ancien lieu de mystères dire à son élève : « .... ce que l'ésotérisme te dit ne devrait pas purement être là pour l’apprendre, mais ceci devrait être là pour la vie et devrait pouvoir être expérimenté de nouveau à chaque heure qui s’approche de toi, sans que la mémoire conceptuelle et représentative vienne à l’aide ».535

533 réponses aux questions de la conférence du 25.11.1919, GA 297, p. 152 et suivantes. Voir aussi Sam 2000, p. 40 et suivantes.

534 Conférence du 3 juin 1922, GA 83, p. 83 et suiv.

535 GA 270/1, p.64 f. Voir page 56 ci-dessus.

[190]

Son refus strict de fournir aux premiers « intermédiaires » ou à quiconque le contenu littéral sténographiquement fixé de ses leçons ésotériques va visiblement dans le même sens. Il n'a pas permis cela ni dans le but de lire à haute voix pendant les heures de leçon inaugurées par lui en dehors de Dornach, ni pour l'orientation personnelle ou le travail de préparation des personnalités chargées par lui de la transmission des mantras de l’université. Les seules exceptions que nous avons trouvées concernaient Lili Kolisko à Stuttgart, où une occasion spéciale a été donnée, et la solution provisoire à Prague, qui n'a duré que quelques mois. Pour autant que nous le sachions, ni Marie Steiner ni Ita Wegman n'ont été autorisés par lui à lire les textes. Marie Steiner disposait des transcriptions en sa qualité d'administrateur testamentaire de la succession. Ita Wegman avait été nommé par Rudolf Steiner comme « co-directrice » de l'université et obtient, probablement pour cette raison, sur son instruction écrite, dans le même cas, les textes.

Nous ne savons pas si Rudolf Steiner, avec la limitation de la transmission à ces deux personnalités, a simplement veillé à une documentation historique impeccable en ce qui concerne d'éventuels doutes après sa mort ou s'il voulait garder ouverte la possibilité d’une lecture à haute voix en un temps ultérieur. Les déclarations de Marie Steiner, de ces humains qui – aussi loin que nous voyons –on discuté des problèmes correspondants plus que tous les autres lors de conversations personnelle intime avec lui, ne laissent cependant aucun doute sur la détermination de son refus de publier les textes. «  Il lui était terrible qu'ils existent, le mot dactylographié et imprimé était une ahrimanisation
(NDT : le mot allemand : Verahrimanisierung ) de la vie leur étant inhérente ». – « Si nous lisons seulement les conférences que nous a données R. St. dans les heures de classe, nous enterrons la vie de la parole/du verbe ». – « .... il s'est défendu entièrement énergiquement que ces transcriptions seraient données à quelqu'un à lire, et que ce soit aux plus proéminents porteurs du travail à l'étranger, s'ils venaient à Dornach pour une courte période et voulaient les lire dans notre maison : <Ils n'existent pas du tout....> ainsi s’exprimait-il entièrement decidé ». Après une réflexion approfondie sur ce qui a été discuté avec Rudolf Steiner, Marie Steiner en arrive au résultat : « Il ne reposait pas dans l’orientation de sa/la volonté que ces conférences seraient purement lues à haute voix ».536

536 Voir appendice 8, 5.252. Lorsque la dernière phrase de GA 270/1, p. XII est reproduite, il manque le mot "non". Voir ci-dessus p.105, note 233.

[191]

Marie Steiner justifie le fait qu'après la mort de Rudolf Steiner, elle se décide quand même à lire les transcriptions d’après l'exemple de Rudolf Steiner avec la nécessité de faire quand même ce qui en principe n’est pas correct dans certaines situations de la nécessité supérieure « afin d'empêcher quelque chose de pire ». Elle caractérise cette manière d’agir comme une sorte de « sacrifice ». Il ne peut donc être parlé que Marie Steiner aurait considéré la diffusion de la pratique de la lecture qui a commencé après la mort de Rudolf Steiner comme étant souhaitable ou évidente bien au-delà de la situation exceptionnelle de Stuttgart. D’après son sentiment/ressenti elle se résignait en cela à une nécessité regrettable, bien qu'inévitable.

 

En même temps, Marie Steiner était clairement consciente du fait que Rudolf Steiner avait déjà chargé en 1924 une série de personnes dignes de confiance de transmettre les mantras de l'université à des cercles de membres en dehors de Dornach. Elle n'a pas pu accorder à ce fait l'importance qui lui revient aujourd'hui, et a d'abord considéré ces règles, qui œuvrent comme improvisées, comme tout d’abord plutôt secondaires et provisoires. Mais elle décrit quand même très clairement en peu de phrases ce dont il s’agissait pour Rudolf Steiner. En tant que « ligne directrice .... pour le travail de(s) groupe[s] qui voulait pénétrer, les uns avec les autres, de vie les sentences mantriques », note-t-elle : « La personnalité qui prononcerait les mantras devrait s’élaborer ce qu'elle aurait à dire comme reliant à ces sentences. Il voulait donc une sorte de travail indépendant/autonome à ces sentences, naturellement sur base du bien de sagesse obtenu. Mais avant tout, l'expérience/le vécu des sentences elles-mêmes ». 537

Ce qu'Ita Wegman rapporte sur les conseils de Rudolf Steiner au Comte Polzer indique dans la même direction. « Vous pouvez, à partir de ce que vous avez entendu, des mantras, ce que vous avez, laisser apparaître une sorte de travail avec ces gens qui veulent le faire avec vous… Faites ce que vous pouvez et comme aussi vous le voulez, mais d'après ce que vous savez vous-même. Comme, à partir des mantras, avec les différents membres qui veulent le faire, peuvent et veulent le faire ». Quand même, aussi Wegman ne saisit/ne s’empare tout d’abord pas de telles allusions.

537 Annexe B. 192

 

Dans ses propres conseils à Willem Zeylman de septembre 1925, elle aimerait limiter les heures non tenues par elle-même à la prononciation solennelle des mantras et aux éléments cultuels, signes et sceaux, avec la possibilité - après une pause - de lire n’importe quel autre texte de l'œuvre de Rudolf Steiner ou d’exposer quelque chose soi-même.

 

Les premiers « intermédiaires » mandatés par Rudolf Steiner lui-même ressentent d'abord la lourde pression de la responsabilité qui leur est imposée, l'insuffisance de leurs capacités personnelles limitées, mais aussi la productivité de l'effort individuel. « Eh bien », établit Helga Geelmuyden après cinq ans de travail avec les mantras lors d'une réunion à Dornach, « cette responsabilité était beaucoup plus grande que mes capacités à la porter. Mais j'ai essayé de travailler toujours avec la plus grande véracité ce que j'ai dû reconnaître avoir jailli des processus initiatiques qui sont quand même donnés là dans les mantras ». Au fil du temps se serait ajouté aggravant que les heures lues par les membres du comité auraient été prises comme mesure/critère et que les efforts personnels ont perdu du poids en vis-à-vis, « qu'on reconnait difficilement ce qui ressort des efforts individuels et ne se tient pas toujours exactement aux paroles du Docteur ». Ainsi, au fil des années, même chez les mandatés par Rudolf Steiner lui-même, se renforce le désir de recevoir les transcriptions à lire à haute voix et, pressé par des demandes des cercles de membres du moment, ils passent finalement -avec l'approbation du Comité de Dornach – tous sans exception à la lecture à haute voix des textes, quand aussi pas sans réserve. « Nous devons être infiniment reconnaissants que nous soit permis d’obtenir les textes des heures de classe », écrit Geelmuyden à Marie Steiner peu après la réunion susmentionnée, « là on n’a pas besoin de craindre que des particularités personnelles se mêleraient gênantes avec eux, et pourtant », ajoute-t-elle de façon révélatrice, « à cette époque, la contrainte à un travail personnel était très promotrice pour moi ».

 

La tâche tout d’abord urgente, qui semblait limitée dans le temps par rapport à une réglementation plus précise et à l'assistance attendue, consistait à transmettre les mantras sous une forme digne, à transmettre les demandes d'admission avec l'approbation correspondante à Dornach et à s'inquiéter de la protection du contenu ésotérique conformément aux règles données par Rudolf Steiner. La tâche supplémentaire, de trouver ses propres formes d'introduction pour l'expérience des contenus, sans connaissance plus proche de la formulation originale des heures de leçons, tirées donc de la fréquentation méditative personnelle des mantras et de la situation humaine sur place, [193] déclenche des mouvements de recherche très différents. C'est ici que Ludwig Polzer se sent le plus libre, selon la devise souvent citée : « Faites le comme vous voulez ». Il s'en tient strictement à la formulation mantrique, mais pour façonner ses leçons de classe, il se permet l’accent de toute les libertés : « Je n'ai jamais prononcé un mot mantrique dans la classe qui ne vient pas de Rudolf Steiner. Mais que la tenue de la Classe devrait être façonnée le plus possible de façon vivante et n’a la permission d’être fixée extérieurement dogmatiquement, devrait être clair à chaque ésotériste qui ne veut pas que le mystère de Michaël aille la voie que l'Église romaine pénétra et qui a conduit aux disputes dogmatiques dans les conciles ». Afin de préserver la « continuité cultuelle », il a alors utilisé toujours de nouveau des éléments de l'ésotérisme précoce de Rudolf Steiner dans la conception de ses leçons. Il considérait la lecture à haute voix des textes originaux, à laquelle il passe à la demande des participants, comme une forme de médiation/transmission légitime mais en aucun cas la plus digne ou la seule possible : « C’est pourquoi il me semblait que la lecture des textes de Monsieur le Docteur n'était pas a considérer comme une chose qu'il voulait particulièrement privilégier. – « Mais ce n'est certainement pas dans son sens, et non michaélique, de faire des heures de classe, simplement dogmatiquement, une lecture à haute voix » Polzer s’exprime sceptique vis-à-vis de la possibilité d'ouvrir le bien de sagesse ésotérique des leçons avec les méthodes scientifiques d'analyse de texte. « Dans les conversations que j'ai eues à ce sujet, Monsieur le Docteur ne m'a jamais parlé d’une étude des Mantrams, mais seulement des heures de classe et de la méditation des Mantrams. Si l'on pourrait parler d'une étude dans ce cas, ainsi elle me semblait plus justifiée pour les textes que pour les mantrams ».

 

 Polzer, Marie Steiner et Anna Gunnarsson Wager ont tenté d'introduire des éléments d'ésotérisme précoce dans l’heure de classe, mais sans succès durable, peut-être aussi Adolf Arenson. Celui-ci espère une stimulation et un renouvellement continus du travail d’université par des efforts individuels pour l'ensemble du contenu de la pensée de l'œuvre de Rudolf Steiner, depuis les cycles de conférences ésotériques des premières années de construction jusqu'aux « principes directeurs » porteurs d’avenir après le Congrès de Noël. La « semence » des principes devrait être « poussée à s'épanouir, à porter du fruit pour nous ». Et puis encore plus concrètement : « Le lien entre ce qui a été donné avant la Conférence de Noël et ce qui était nouveau : c'est la solution.

[194]

On lira soigneusement l'allocution susmentionnée dans le no. 31 du bulletin d'information;538 on ne pourra pas ignorer la connaissance que sans les biens spirituels donnés plus tôt, une pleine exploitation des principes est impossible. Ne devrait-il pas y avoir quelque chose de similaire dans le domaine de l'ésotérisme ? » De ce point de vue, Arenson aussi ne considère pas la simple lecture des textes pour suffisante. Les « révélations de heures de classe », écrit-il en se référant clairement à l’activité de Lili Kolisko et des trois membres du conseil, qui, entre temps, ont également commencé à lire les textes, « seront transmises aux membres de la première classe de l’université en ce qu’on leur lit les textes dans leur intégralité; par cela à chacun - tôt ou tard - l'occasion sera donnée de se familiariser avec leur contenu. Mais pour l'avenir, notre travail à leur égard ne doit pas s'arrêter là. Ils doivent aussi être une semence de l'Esprit, que nous dotons d’âme par notre propre travail créatif ».

 

 Des problèmes particuliers se posent pour les premiers intermédiaires qui ont à tenir des heures de classe en dehors de l'espace germanophone. Ainsi George Kaufmann écrit à Ita Wegman, lorsqu'elle lui demande de prendre des heures de leçons à sa place : « Lire directement du texte allemand en anglais ne va pas bien. Je devrais donc soit lire le texte avant et en faire mes notes, que je présente ensuite librement (comme je le fais aussi pendant que vous lisez la classe), ou je devrais faire une traduction écrite au préalable, que je lis ensuite ». Willem Zeylmans s'aide temporairement avec des résumés en néerlandais, qu'il a lui-même produit à partir des transcriptions allemandes complètes qui lui ont été confiées et qui ont apparemment servi d’appui de mémoire pour la conférence libre. Encore plus résolue Anna Gunnarsson veut parler elle-même librement dans sa propre langue, même si les versions originales des textes sont à sa disposition : « Par exemple, si nous recevions les transcriptions littérales, il va sans dire que tous ceux qui comprennent l'allemand / et les autres aussi / veulent que ces mêmes soient lues à voix haute littéralement. Mais il me semble tout aussi naturel que les autres reçoivent le contenu dans leur propre langue. Je veux juste ajouter que si on me confie cette mission, je ne veux pas m'engager à une traduction écrite et à un cours magistral, mais seulement à une reproduction exacte du contenu dans un libre exposé.

538 nbl, 10/8/1924 GA 26.

[195]

 

La traduction est morte et peut causer beaucoup plus de malentendus que le contenu librement résumé. C'est différent avec le texte allemand, qui recèle le contenu phonétique occulte ».

 

Finalement, il est remarquable que les efforts des premiers intermédiaires pour un accès personnel au contenu mantrique des heures de classe déclenchent un sentiment de responsabilité partagée pour le sort de l'ensemble du mouvement anthroposophique. Anna Gunnarsson a donc eu l'idée d'une « Association Rudolf Steiner » et sa suggestion au Comité de Dornach de quand même aimer nommer un cercle élargi de personnes responsables du travail ésotérique. « L'existence de notre société dépend du maintien du travail interne, il doit y avoir un cercle qui tient toujours ensemble et ne s’endort jamais et ne se relâche jamais. Helga Geelmuyden écrit de la même manière : « Si l'on se réunit de nouveau à Dornach pour trouver des moyens de poursuivre avec succès le travail de Rudolf Steiner, peut-être les intermédiaires de l'instruction de classe seront-ils aussi admis à des conférences intimes » ? Et plus clairement encore, il est dit lors de la réunion des Secrétaires généraux et du Conseil d'administration en avril 1930 : Si le travail ésotérique doit être poursuivi après la mort de Rudolf Steiner, « il doit y avoir une entente entre ceux qui ont été mandatés par le Dr Steiner lui-même pour être actifs dans ce travail ». Compte tenu des difficultés du Comité qui « rompt avec les principes du Dr Steiner » et n'assume pas adéquatement ses responsabilités, « les représentants dans les différents pays devraient être appelés ».

 

Comme volontiers le premier Hans-Broder von Laue l'a probablement remarqué,539 Rudolf Steiner, comme la « première section » de l'école est presque terminée, souligne son objectif d'un ésotérisme façonné différemment selon les conditions locales respectives par l'utilisation du pluriel. En sept endroits de la dix-huitième classe, il parle en accentuant des "écoles ésotériques" à la périphérie du mouvement, et pas seulement d’une école à Dornach. Lorsqu’on considère la confiance sans réserve que Steiner a placée dans les premiers « intermédiaires » qu'il a mandatés et combien de liberté il leur a accordé – « Faites le, comme vous voulez ! » il est difficile de comprendre leur tâche seulement comme la transmission d'un flux de révélation. Steiner considérait les efforts méditatifs des personnes concernées pour aborder la situation humaine dans leur cercle particulier et donc leurs capacités d'intuition comme au moins aussi nécessaires à la culture de l'ésotérisme anthroposophique désiré que la compétence pour continuer à donner le bien d'enseignement mantrique sans altération.

  539 Voir von Laue 2009, p. 4.

[196]

Avec des accents différents, les premiers médiateurs ont exprimé de nombreuses expériences qui remettent en question l'image encore très répandue de l'université en tant qu'institution hiérarchiquement orientée, centraliste et travaillant selon le principe d'une sorte de succession spirituelle. Ce qui doit remplacer ce tableau aujourd'hui est une question ouverte. Mais quiconque cherche une réponse à cette question portera une attention particulière à la façon dont lta Wegman, la personnalité considérée par Rudolf Steiner comme « co-directrice » de l'université, s'exprime sur l'organisation des heures de classe au fil des années.

Pour elle, il ne fait aucun doute qu'après la mort du maître spirituel, tout doit continuer comme cela a été arrangé après le Congrès de Noël. « Puisque le docteur disait et répétait sans cesse que l'école de Michael était instituée par le monde spirituel et n'était aucune institution humaine, je me sentais institué par le monde spirituel et n'avais aucune justification pour laisser intervenir des changements après la mort du docteur ». Conformément à cela des leçons de classe, dans lesquelles s'écoulent des impulsions de conception personnelle n’entre tout d’abord pas en question pour elle. Les règles provisoire établies par Rudolf Steiner pour la médiation/transmission des mantras en dehors de Dornach ne peuvent encore être toléré dans un premier temps, mais ne sont pas a considérer comme donnant la mesure. « Cela peut être seulement lu à voix haute, mes chers amis, parce que vous seront rendus les mots inchangés de Michael, comme le Dr Steiner les a prononcés ». Dans la même ligne d'argumentation, il faut comprendre l'engagement ferme de Wegman à l'égard du privilège de lecture du Comité. Seulement qui poursuit sans relâche le travail fondateur initié par Rudolf Steiner pour le compte de puissances supérieures est appelé à diriger le mouvement anthroposophique, et pour une telle poursuite appartient, pour Ita Wegman, tout d’abord entièrement absolument le maintient de la formulation littérale des textes de classe.

 540 Ce mot est utilisé comme terme juridique dans la motion I à l'Assemblée générale de la Société anthroposophique générale du 14 avril 1935 et représente en même temps un euphémisme tout à fait inapproprié. Cela signifiait une déposition (Nbl., 17.3.1935).

[197]

Ainsi, jusqu'à sa « révocation »540 en 1935 à Dornach et dans beaucoup d'autres endroits en Europe, elle a inlassablement tenu des heures de classe sous forme de lecture des transcriptions, mais dans les années qui ont suivi, alors surtout à Arlesheim, en Angleterre, aux Pays-Bas, une transformation complète de son attitude intérieure à l'égard de son enseignement ésotérique a eu lieu.

 

Comment cela se passa est seulement maigrement documenté. Derrière les quelques indices que l'on retrouve dans les lettres et les notes des dix dernières années de sa vie, nous présentons un événement intime de l’âme qui se soustrait encore presque complètement à notre compréhension, mais dont le décodage pourrait être d'une importance considérable pour tous ceux qui s'intéressent à l'avenir du mouvement anthroposophique.

Au début des années 1930, alors que les conflits dans le cercle du Comité de fondation et dans la Société anthroposophique dans son ensemble s’aggravait toujours plus, Ita Wegman avait espéré qu'un nouveau départ serait initié en dehors de Dornach, à partir de la « périphérie » du mouvement. Pendant un certain temps, elle a pensé à se concentrer entièrement sur l'Angleterre. Les conditions économiques et politiques désolées en Europe centrale ont également suggéré un tel changement du centre de gravité du travail. La Grande-Bretagne était un pays ouvert au monde. Le cercle d'amis autour de Daniel Nicol Dunlop avait déjà eu un large impact public du vivant de Rudolf Steiner, et Wegman se sentait étroitement lié à ce cercle, ainsi qu'aux Néerlandais autour de Willem Zeylmans. Le mouvement anthroposophique pourrait-il commencer de nouveau entièrement à partir de là ?

Wegman suit avec la plus grande préoccupation la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes en Allemagne.541 Peu de jours après l'incendie du Reichstag en février 1933, avec lequel commença la première vague d'arrestations d'opposants potentiels au régime, Wegman envoya une circulaire à une trentaine d'amis, dont Eleanor Merry, George Kaufmann, Willem Zeylmans, et les invita à une réunion à Berlin début avril, qui devait être suivie d'autres réunions à Stuttgart et en Hollande ou en Angleterre. Dans la situation actuelle, il est important de ne pas laisser les liens existants se rompre, de se comprendre et de s'entraider.542

 

541 Voir le compte rendu prudent et riche en matériel de Peter Selg (2005 a) des événements dont il est question ci-dessous.

542 SR II, p. 188f. Voir Selg 2005a, p. 22 et suiv.

[198]

A Fried Geuter et Michael Wilson in Clent, elle écrit : « Les conditions en Allemagne sont entièrement bizarres et extraordinairement difficiles à juger, parce que le malveillant y est habilement habillé et éveille même l'illusion... d’être correct ; une séduction/un détournement sans pareil y apparaît... »543 A Hilma Walter, quelques semaines plus tard : « La vague du nationalisme semble confondre et séduire presque tout le monde se trouvant en elle. ... on est aveugle et stupide aussi en cela, mais il n'y a pas grand-chose à faire contre ce courant pour le moment. Ceux qui ont encore préservés une bonne force de jugement ne sont pas autorisés à parler du tout s’ils ne veulent pas un jour soudainement recevoir la police dans leur appartement et être envoyés eux-mêmes dans un camp de concentration. Ainsi ne reste rein d’autre que beaucoup quittent l'Allemagne pour se réorganiser à l'étranger et peut-être avoir plus tard à nouveau de l'influence en Allemagne, et que les autres qui restent là, aussi bien que cela va, pour continuer les travaux entrepris dans le cadre de l'anthroposophie, en silence et avec prudence, afin que le fil ne se brise pas ».544

 

Entre-temps, les conflits dans le mouvement anthroposophique, qui ne s'étaient pas calmés depuis la tragédie de 1925, ont repris. En mars 1934, ils conduiront à des décisions accordant à Albert Steffen, Marie Steiner et Guenther Wachsmuth la compétence centrale de direction et légitimant ainsi formellement les décisions fatales de l'année suivante.545 Qu'est-ce qu'Ita Wegman expérimente, alors qu'elle sent que la première grande division du corps des élèves de Rudolf Steiner s'approche, suivant la situation menaçante en Allemagne et dans l'Est bolchevique avec une conscience aiguë du présent ?

 

En octobre 1923, elle a entendu la puissante conférence de Rudolf Steiner sur les secrets du fer météoritique cosmique, où est dit de l'humain : « .... il doit apprendre à utiliser dans sa conscience, la puissance météoritique de son sang. Il doit apprendre à célébrer la fête de Michael en faisant de la fête de Michael une fête de l'intrépidité, une fête de l'initiative intérieure et de la force intérieure, en faisant de la fête de Michael la fête de la mémoire de la confiance en soi désintéressée ».546

 543 24.3.3.1933. EZ II, P.189.

544 IW à H. Walter, 28.4.1933. RS II, p.189f.

545 Pour résumer les détails Robin Schmidt dans Platon 2003, détaillé dans EZ III, p.213 ss.

[199]

En septembre de l'année suivante, les pensées et les images porteuses d’avenir de cette conférence, qui touchent aussi de la manière la plus intense la mission thérapeutique d'Ita Wegman, ont de nouveau été appelées et approfondies pendant le cours pour les prêtres de la communauté des chrétiens sur l'Apocalypse de Jean, auquel elle a participé en tant que membre du Comité. On a parlé de la réapparition imminente de la comète de Bielaschen sous la forme d'un essaim de météorites en 1933, de la spiritualisation de la « substance de comète » par la terre et de la réaction ambivalente de ce processus naturel sur le corps astral humain, qui peut être influencé d'une manière bienveillante mais aussi nuisible, d'un pendant entre l'événement céleste attendu et le retour du Christ dans l'éthérique. « Il y a des comètes qui influencent l'humain comme je l'ai décrit maintenant, qu’ils équilibrent thérapeutiquement sa nervosité, et de telles qui déchaînent les forces sauvages de l'astral quand elles remontent après que la terre les a absorbées. ... Avant que le Christ éthérique puisse être correctement compris par l'humanité, l'humanité doit d'abord finir avec la rencontre de la bête qui monte en 1933 ».547 Tout cela peut avoir résonné à Ita Wegman ou lui avoir été clairement présent quand elle a vu de la terrasse sud de la clinique d'Arlesheim le 9 octobre 1933, la brillante pluie de météores qui est descendue le soir de cette journée.548

Une image s'élève en elle, qui, après un court laps de temps, prend des contours de plus en plus clairs. Vers la fin de l'année, elle a écrit à des amis en Angleterre, saisissant un motif de ses lettres « Aux membres ! » de 1925. « Ce que je voulais et ce que j'ai vu comme un salut, c'est qu'un anneau vivant a été créé par des humains éveillé, qui entoure ce qui est disponible dans les forces de la mort et d'où devait émerger une nouvelle vie, un anneau qui consiste en ce que dans les différents pays apparaissent pour ainsi dire des forteresses et des châteaux du Graal, dans lesquels vivent des humains qui sont à nouveau si mobiles qu'ils peuvent aller d'un endroit à l'autre. -

546 Conférence du 5.10.1923. GA 229 (1976), p.19.

547 Reportée du 20.9.1924. GA 346.

548 EZ II, P.193.

[200]

 J'ai considéré ceci correctement réalisé comme une nouvelle union Michael, à travers laquelle on peut apporter quelque chose de nouveau dans le monde, afin de rendre possible la nouvelle vie qui veut surgir ». Dans la même lettre, elle caractérise la situation dans les établissements de pédagogie  curative de Hamborn et Gerswalde, qu'elle vient de visiter, l'énergie et le courage de Franz Löffler, qui a voté contre le régime lors des élections au Reichstag avec tout son personnel (« ce que je trouve extraordinairement courageux mais peut-être pas judicieux »), la « force d’âme » que l'on peut trouver dans de tels endroits mais qui est maintenant en danger. « Ceux qui ont le pouvoir feront tout pour qu’à la majorité des Allemands l’âme soit propulsée vers l’extérieur ». En même temps, elle doit admettre que ses espoirs pour l'Angleterre étaient probablement prématurés.549

Visiblement désemparée, Ita Wegman entre dans la nouvelle année. De mars 1934 jusque loin dans l'été, elle a été prise par une maladie menaçante. Maintenant, une direction supérieure intervient. Son sentiment de n’avoir plus rien à faire dans la sphère des « choses terrestres » est corrigé par une « expérience » dans le domaine du suprasensoriel. « L’exigence était de faire encore quelque chose sur terre ». 550 Maintenant, Wegman travaille énergiquement à son rétablissement. « La vie m'a été donnée à nouveau, je ressens l'obligation intérieure de la rendre plus profonde qu'avant ; une nouveauté doit commencer pour tous et comme une aube elle s'annonce ! 551 En même temps, elle se tient clairement en retrait des aspirations qui conduisent à la fondation des « Groupes anthroposophiques unifiés » à la fin juin 1934. Une refondation séparatiste de la Société anthroposophique, qui y est à l'étude, est hors de question pour elle. Au lieu de cela, elle plaide pour un « travail individuel actif ». « Il doit régner l’avis que le développement/l’évolution intérieure de l'individu est une nécessité dans le temps présent ».Très clairement elle se rapproche maintenant de nouveau de l'image de « la nouvelle union Michael » de la fin de 1933. « On ne forme pas une société », écrit-elle, « mais une liaison spirituelle qui s'étend à travers tous les pays, [une liaison] qui n'est pas une forme terrestre mais une force spirituelle ».552

 

549 IW aux pédagoges curatifs anglais, 18. 12. 1933. EZ II, p. 190 ss.

550 IW à Maria Röschl, 22.2.1935, annexe 30. D’après Peter Selg (2005 a, p. 90), l'expérience doit être datée peu avant le départ de Wegman d'Arlesheim le 12 mai.

551 Projet de lettre de juin 1934, cité après Selg 2005 a, p. 97.

552 Cité dans Selg, 2005 a, p. 96.

[201]

En septembre 1934, Ita Wegman, entretemps dans une certaine mesure rétablie, se rend en Palestine avec des amis. Un détour d’abord non planifié, qu'elle décide de prendre pour cause de maladie, la conduit à Constantinople. C'est là qu'elle prend conscience de la superficialité, la « Maja » des processus en Allemagne. Le jour de Michaël, entretemps arrivé à Jérusalem, elle parle à ses compagnons de voyage des tâches inachevées dans ce pays.553 Plus tard, en repensant à cette prise de conscience, elle écrit qu'à Constantinople, elle avait « reçu une grande impulsion.... de ne pas laisser l'Allemagne dans le pétrin ». Elle avait donc décidé d'y retourner travailler, d'abord à Hamborn, puis à Berlin.554

En novembre 1934, de retour à Arlesheim, Ita Wegman tente de retrouver ses repères. Dans des lettres à Eleanor Merry, Walter Johannes Stein et son épouse, elle parle prudemment de l'expérience spirituelle par laquelle elle a retrouvé la santé.555 Le premier Noël après son rétablissement, avec lequel elle a fondé la longue tradition des rassemblements de Noël dans sa clinique d'Arlesheim, elle le saisit comme un « nouveau départ ». Pour son discours à ses amis réunis, elle note de laisser « se ranimer à neuf dans le cœur » le bien spirituel donné par Rudolf Steiner, pour former « une alliance informelle/sans contrainte », « d’humains qui le veulent sincèrement ».556.

 

Avec le nouveau départ au tournant de l'année 1934/35, où la recherche d'une « Union Michael » indépendante des formes extérieures de société apparaît si clairement, va maintenant de pair un changement très discret et silencieux de l'attitude intérieure de Wegman envers son activité, à peine remarqué par les amis d'Arlesheim. Le geste de leadership si clair dix ans plus tôt, avec lequel elle a voulu enflammer à l'activité commune le « Comité ésotérique » nommé par Rudolf Steiner et les collaborateurs de la section médicale, se retire maintenant. Un observateur éveillé comme Willem Zeylmans le remarque immédiatement. Il rapporte que Wegman était bienveillante à la nouvelle « Association des groupes anthroposophiques libres », mais en même temps « voulait s’en garder quelque peu libre ».

 

553 D'après le journal intime de Werner Pache. EZ II, p.208 et suiv. Selg 2005a, 5,111.

554 A E Geuter, 21.2.1935. EZ II, p.207.

555 Selg 2005a, p. 140 et suiv.

556 Selg 2005 a, p.150 et suiv.

[202]

« Elle a déclaré qu'elle voulait participer à nos manifestations ; elle se réjouirait de tout cœur, mais elle n'aurait pas, comme avant, toujours le sentiment qu'elle devrait tout de suite tout faire, que tout devrait partir d'elle, et ainsi de suite. Elle a raconté ces choses entièrement spontanément, avec une vraie connaissance de soi ». Ce changement d'attitude s'étend maintenant apparemment aussi à son travail pour la première classe. Zeylmans continue, « Elle a commencé à parler de la classe [d'elle-même]. Elle veut considérer ce travail comme le plus important. Puisqu'elle aimerait mener une vie (extérieurement) plus calme, elle voulait que nous essayions de rester dans les différents centres, par exemple 3 semaines l'une après l'autre et de donner de 7 à 9 heures de classe pendant ce temps. 3 semaines à Londres, 3 semaines à La Haye (Stuttgart ne sera volontiers pas envisagé pour l'instant) ; puis pour une période plus longue à Arlesheim, puis à nouveau chez nous ».557 Une rencontre organisée lors de la visite à La Haye avec les sept signataires de la « Déclaration de volonté », avec laquelle l' « Association des groupes anthroposophiques libres » a été initiée, conduit alors à une distanciation claire des intentions des amis en Angleterre au début du mois de janvier. Juste après le départ des visiteurs, Wegman explique son changement d'attitude dans une lettre à Walter Johannes Stein avec son souci de l'impulsion du Congrès de Noël, et ici aussi de nouveau elle renvoie l'ami à l'expérience suprasensible de sa maladie. « Le lendemain de votre départ, mais déjà dans la nuit, je savais très exactement que j’avais encore à attendre pour aller en Angleterre. En moi vit quelque chose de très différent de ce qui m'a été apporté en vis-à-vis, que je ne peux pas me décider de continuer à travailler comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais eu qu'un petit voyage de vacances derrière moi. J'ai eu le privilège de jeter un coup d'œil dans le monde spirituel, j'ai [suis] rencontré le Christ et Rudolf Steiner, qui m'ont renvoyé sur Terre et attendaient de moi que je fasse quelque chose de différent que jusqu’à présent ».558

 

557 Zeylmans à Kaufmann, 13. 12. 12. 1934. Archive Londres. Encore en 1930, Wegman avait fait valoir à Willem Zeylmans que toute initiative plus importante devrait "provenir de la section médicale", ce avec quoi Zeylmans n'était pas d'accord (IW à Zeylmans, 7 janvier 1930, Selg 2002, p.130 ss.).

558 IW à W. J. Stein, 9.1.1935. RS III, p. 112. Voir aussi IW à Gertrud Goyert, 29.1.1935 dans Selg 2005 a, p. 164s.

[203]

Maintenant, Ita Wegman ose une tentative décisive. Ici elle trouve – aussi loin que nous voyons, pour la première fois - pour l'idée d'un pendant libre d'anthroposophes engagés, qu'elle a d'abord envisagé comme « alliance » ou « alliance Michael », elle trouve un mot de mantras inventé par Rudolf Steiner, qu'elle connaît, le mot association-esprit.559 Après une longue pause, elle est maintenant prête à reprendre la tradition des heures de classe, mais sous une nouvelle forme. Nous ne savons pas quelle forme il avait en tête. Aussi, jusqu'à présent, est devenue connue une seule référence à la réunion solennelle, le 27 janvier 1935, pour laquelle elle a rassemblé autour d'elle un cercle de dix collaborateurs éprouvés pour leur faire une information de cela, par une note dans le journal de Werner Pache, son proche collaborateur à Arlesheim :

27.1.1935 Madame Dr. Wegman nous a appelés ensemble Deventer, Bockholt, Bort, Kaelin und Frau, Pracht, Eugster, Russ, Marti, Pache. A propos de l’association-esprit et du Congrès de Noël, en vivant cela fidèlement. Elle-même voulait cela. Décision finale de donner de nouveau les heures de classe, mais sous une forme libre. Début fait avec cela.560.

 Si on regarde cette note rudimentaire dans le contexte des clairs mouvements de recherche que nous avons vus chez Ita Wegman depuis la crise de vie du début de l'été 1934 et qui se poursuit sous une forme modifiée jusqu'à sa mort, elle gagne un poids particulier. Il n'est pas exclu que d'autres réunions, limitées au cercle des dix personnes précitées et strictement confidentielles, aient suivi ce « début ». Peut-être que Wegman avait déjà remarqué lors de cette première réunion que les participants ne pouvaient pas ou ne voulaient pas la suivre, que la situation n'était pas encore prête pour ce qu'elle avait en tête. Le fait qu'elle ait hésité encore et encore pendant ses trois dernières années à Ascona pour donner des heures de classe à Arlesheim 561 aimerait être pendant à cela.

 

 559 Voir la sentence de consécration pour la Salle de Branche du Groupe de Berlin de la Société Anthroposophique Libre, Pâques 1924 (GA 268, p.292), et la sentence pour Ita Wegman dans Kirchner-Bockholt 1976, p. 35, également dans EZ IV, p. 330 et 351.

560 Extrait dactylographié des notes du journal de Pache aux soins de M. Markus Kühnemann, Arlesheim.

561 Voir Selg 2004, 5 102.

[204]

Peter Selg souligne avec droit, en référence à Marianne Fiechter-Bischof, que Wegman a continué à tenir des heures de classe, qui étaient accessibles à tous les membres de l'université, uniquement sous forme de lecture.562 La question est aussi ouverte de savoir si l'expression « sous forme libre » renvoie davantage à la pratique initiale des premiers « intermédiaires », dont Wegman savait que les transcriptions des heures de cours de Rudolf Steiner ne leur étaient pas accessibles au départ, ou si elle cherchaient des formes d’une conversation libre, comme le suggèrent les déclarations de Rudolf Steiner en 1923 sur le « culte inversé », lui étant naturellement familières. Que, comme Peter Selg le voit, l'expression « en forme libre » se réfère simplement au « détachement définitif des heures de toutes les difficultés de Dornach » semble être une hypothèse plutôt audacieuse/téméraire après tout ce qui a été mis en lumière dans cette étude des intentions originales de Rudolf Steiner.

 

Quatre jours après la réunion, au sujet de laquelle Pache rapporte, Wegman écrit à Alice Wengraf : « J'ai un fort besoin de rester à l'écart de toutes les disputes et de faire seulement ce qui est directement lié à Michael et ce qu’étaient les impulsions du congrès de Noël. L'expression solennelle de Rudolf Steiner « Association-esprit » semble maintenant devenir sa devise : « On ne peut pas en parler beaucoup, je veux le porter dans le cœur et essayer de me sentir directement en lien à l'Association-Esprit dans le monde spirituel, parce que l'image miroir de l'Association-Esprit, la Société anthroposophique, ne peut plus former le vase pour ce qui peut couler dedans de cette Association-Esprit. Il faut donc reconstruire lentement, très lentement - et cela peut peut-être se passer seulement dans le cœur – de laisser ce vase apparaitre purement à nouveau ».564

Encore une fois supplémentaire, elle décrit ce qu'elle a vécu pendant et après sa maladie et les objectifs qu'elle a maintenant atteints, dans une émouvante lettre intime à Maria Röschl fin février 1935, nommée par Rudolf Steiner à la tête de la section des aspirations spirituelles de la jeunesse au Goetheanum et l'un des principaux porteurs du « Cercle ésotérique de la jeunesse ».565 Ici aussi, elle fait référence à l'expérience qu'elle avait confiée à Walter Johannes Stein et, ici aussi, la nouvelle devise réapparaît.

562 Selg pas d'année (2009), p. 14 et 92 f.

563 Peter Selg, op.cit. p. 92.

564 Selg 2005 a, p. 165.

565 Voir Haid 2001.

[205]

 « Curieusement, quand les choses[c'est-à-dire les conflits dans la Société anthroposophique] étaient poussés à l'extrême, je fus placée dans une maladie, et je ne pouvais pas participer à toutes les discussions, à toutes les décisions. Je ressentais cela comme un signe étrange, que je comprenais ainsi que je n'avais en fait plus rien à voir avec ces choses terrestres et je pensais à ce moment-là, alors que la maladie devenait toujours plus grave, que je n'avais alors quand même plus rien à continuer à faire sur le plan terrestre. Mais une expérience dans le monde spirituel m'a dit autre chose. Je n'étais pas attendue dans le monde spirituel, lors d'une rencontre avec Rudolf Steiner, à laquelle l'être du Christ était également présent, mais l'exigence était de faire encore quelque chose sur Terre. A partir de ce moment, j'ai eu la force de prendre mon rétablissement en main ». Elle a ainsi pris l'impulsion de revenir à l'impulsion originelle de l’ « association-esprit (l’école michaelique) ». « Je ne peux pas encore dire ce qu'il en résultera, je me prépare et j'attends et ne veux pas me placer n'importe où au premier plan et aussi ne pas me lier ».

 

Dans ce contexte, quelques semaines avant sa « révocation » lors de l'Assemblée générale d'avril 1935, elle esquisse sa vision de l'avenir du travail d’université renouvelé en une forme décisive étonnante. « Ce qui a été donné comme première classe et qui est maintenant entre les mains de beaucoup est loin d'être épuisé, mais doit être traité autrement de ce que ça a été traité jusqu'à présent. Je tâtonne là lentement alentour et les choses s'éclairent dans ce tâtonnement. Toutes les formes anciennes, même la toute dernière forme pour l'anthroposophie [c'est-à-dire celle donnée au Congrès de Noël], sont fondamentalement ruinées/bousillées, et il me vient maintenant qu'on n’a plus à chercher une forme pour la vie de l'anthroposophie, mais que chaque humain est la forme avec laquelle l'anthroposophie veut s'unir. Là où cela s'est produit, les humains se trouveront et s'uniront pour devenir un membre de la véritable association-esprit. La société [anthroposophique] n'est plus nécessaire parce que l'anthroposophie est déjà sur terre. Cela dépend maintenant des êtres humains individuels et ceux-là doivent former ensemble une association supérieure à partir de leur développement/évolution, qui a ses racines dans le monde spirituel. Chaque développement individualiste est préservé avec cela, chaque liberté de l'individu humain est préservée [206] et de l’avis de l’individu humain, il se sent lié à cette association-esprit ou école de Michael. C'est ainsi que cela m’a sonné en mon intérieur. De mon propre se tenir dans cette impulsion, c'est de cela qu’il s’agit. L'autre s’oriente de soi-même ».566

 

L'« Association-Esprit », une « association supérieure/plus haute qui a ses racines dans le monde spirituel », « préserve avec cela tout développement individualisé », chacun à partir de soi-même, « ‘liés à partir la perspicacité/vue/intention de l'humain individuel... avec cette association-esprit ou école de Michael » : la proximité de ces tentatives de formulation avec le concept de la « Fondation » de 1911 (voir chapitre 3 ci-dessus) ne peut pas être négligée, même si Wegman n'en avait peut-être pas conscience.

Après l'Assemblée générale fatidique d'avril 1935, dont elle accepta le cours avec un calme total, il devint de plus en plus clair pour Ita Wegman que l'université doit trouver sa nouvelle forme indépendamment de la Société anthroposophique telle qu'elle se présente maintenant. En juin 1935, elle écrit à George Kaufmann : « La situation de la Société anthroposophique, dans laquelle la classe a été donnée, est si différente de ce qu'elle était après le Congrès de Noël que j'ai le sentiment que la classe qui a été liée à cette société a une position complètement différente de celle d'avant. Et comme je vous le disais déjà, je voudrais revenir sur l'impulsion de fond de l'école de Michael, qui repose dans l'école de Michael elle-même, non liée à la Société anthroposophique. Pour cette école de Michael, j'ai intérieurement une obligation et d’après cette obligation, je veux aussi juger mes actions et porter la responsabilité. Je veux éveiller de nouveau chez les hommes la conscience pour cette association-esprit qui se situe dans le monde spirituel. C’est pourquoi cette école doit être conduite autrement qu'auparavant ».567

 

De telles déclarations, qui doivent être considérées dans le contexte de la crise sociale de l'hiver 1934/35, il ne faut pas conclure que Wegman voulait abandonner complètement le courant conventionnel du travail de classe. En Angleterre, elle continue de maintenir son privilège de lecture et les anciennes cartes de membre. En même temps, elle se fait du soucis si pas trop de nouveaux membres seront admis qui ne sont pas suffisamment préparés ou qu'il n'y a pas le risque d'une certaine routine dans la tenue des heures.

566 IW à Röschl, 22.2.1935. Selg 2005 a, p.199 et suivantes. Ici à l'annexe 30.

567 Ita Wegman à Kaufmann, 19.6.1935, d’après Selg 2005 a, p.261.

[207]

 

« C'est donc superbe, écrivait-elle à Kaufmann en avril 1938, que vous donnez maintenant tant la classe. Néanmoins, j'ai le fort sentiment que les humains peuvent seulement comprendre largement la classe quand ils comprennent correctement l'anthroposophie. Et cela me fait quand même un peu de soucis que tant de gens soient acceptés dans la classe qui n'ont peut-être pas encore une bonne image de l'anthroposophie. ... Une trop de la classe peut aussi causer quelque chose qui n'est peut-être pas trop bon ».568

 

Entre-temps, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale approche. Le fait qu'Ita Wegman soit exposé à une deuxième crise de santé massive presque au jour même de la guerre semble être une signature fatidique. Profondément préoccupée par la situation tendue dans le monde, elle glisse dans le couloir de sa clinique d'Arlesheim et se casse l'avant-bras gauche.569 Werner Pache rend compte du discours du Nouvel An dans lequel Wegman revient sur l'événement quelques mois plus tard. Il y voit une étape supérieure du « tournant » de 1934, comme Willem Zeylman l'avait déjà remarqué à l'époque : « Elle pousse maintenant à travers », c'est-à-dire à un détachement complet du geste d'Alexandre des premières années après la mort de Rudolf Steiner. La note révélatrice de Paches résonne :

Sylvester 1939/40, Madame le Dr. Wegman parle : L'année où elle a commencé, comme souvent auparavant, semblait très pleine de soucis. Elle a apporté le déclenchement de la guerre. On devrait supposer maintenant que le travail pacifique est définitivement passé. Mais ce n'était pas le cas. Elle-même a personnellement eu l'accident. (Elle se tourne maintenant vers les collaborateurs), là elle pensait que ce serait fini. « On pense donc toujours que ce qu’on aurait construit soi-même ne pourrait être conduit par d’autres ». Elle aurait du sortir. Mais regardez là, ça a continué. Les collaborateurs  ont pu le tenir et de le faire avancer. Maintenant, elle serait relevée, libéré pour d'autres tâches. Maintenant, les collaborateur aimeraient son aide, le conseil qu'elle pourrait donner parce qu'elle serait quand même liée au travail. Ce serait maintenant le rapport.

568 IW à Kaufmann, 11.4.1938. Archive IW

569 D’après Deventer, cela s'est produit le 2 septembre 1939 (Selg 2004, p. 21). Pache note le 4 septembre dans son journal intime.

[208]

Dans le déroulement supplémentaire : Référence au chemin octuple et aux exercices correspondants à partir des connaissances [livre de R. Steiner Comment obtient-on des connaissances des mondes supérieurs »] Le Christ éthérique. Le nostalgie la plus profonde d'Alexandre, chercher le paradis. Une impression choquante, comment Madame le Dr. Wegman parle de ce qui, comme on peut clairement le voir en ce moment, la porte bien au-delà d'Alexandre. (Elle a volontiers réalisé en son intérieur que les erreurs de la tragédie de la Société, aussi loin qu’elles reposaient chez elle et chez nous, se trouvent quand même dans une poussée injustifiée de l'être et de l'esprit d'Alexandre. La dévotion absolue (absolue et exclusive) à l'étude de l'être du Christ semble être sa décision claire et sainte.

 

1934 De Pâques à Michaeli était la maladie qui lui a permis de se retourner ; 1939/40 était maintenant l'accident qui a apparemment rendu son corps plus léger et plus perméable. Elle pousse maintenant à travers.570

Peu de semaines plus tard, Leopold Sparr, le proche compagnon de Wegman à la clinique, meurt après une courte maladie. Comme une référence prophétique à sa propre mort, la question, qui a de nouveau été discutée avec ses collègues en pleine vigilance face à la situation dramatique du monde, serait à poser « au monde spirituel » comment « l'Ouest et avec lui l'Allemagne » pourrait ériger une « barrière » contre le bolchevisme qui s'approche.

Les 12 jours de souffrance de Sparr coïncident avec l'assaut massif des Russes contre la ligne Mennersteiner. 57 milliers de jeunes, des Russes, complètement innocents, ignorants du monde spirituel, mais justement des Russes, prédestinés à mourir subitement à un jeune âge. Leurs âmes ont besoin d'orientation, leurs forces éthériques sont disponibles. Sparr capable d’œuvrer comme un enseignant parmi eux ? »

570 Pache loc.cit. p. 16 D'après une transcription de Thomas Meyer publiée dans Selg 2004, p. 144.

571 Il s'agit probablement de la "Mannerheim Line" dans l'est de la Finlande, qui a été âprement disputée en décembre 1939, puis de nouveau au début du mois de février.

572 Pache loc. cit. p. 18.

[209]

Avec sa mort en mars 1943, Ita Wegman elle-même aura-t-elle une tâche parente à accomplir pour les victimes des idéologies fatales de l'époque ? -

Peter Selg a décrit dans une étude impressionnante les trois dernières années de la vie d'Ita Wegman, qu'elle a passé principalement à Ascona.573 Il apparaît que, pendant cette période, elle tint seulement encore des heures de classe isolées.574 Les événements de guerre l'ont empêchée de voyager hors la Suisse, mais il y avait aussi des raisons intérieures à sa retenue. Quand les amis d'Arlesheim se montraient mécontents qu'elle ne donne par d’heure de classe pour Noël, elle a indiqué que manquait à tous les participants l'activité intérieure nécessaire pour le faire. « Quelque chose en moi attend de tous ceux qui ont fait le travail dans la clinique dernièrement et qui ont aussi participé à la classe, des pensées de résurrection, d'abord et avant tout chez moi-même. Répéter tout dans le même pas sans développement dynamique a souvent un effet paralysant ».575 Quelques semaines plus tard, le même motif apparaît : « Croyez-vous vraiment qu'il est si nécessaire que  des heures de classe seront de nouveau données ? Cela me semble si désuet quand rien de nouveau n'est apparu dans les humains. La classe doit être ressuscitée, être reçue dans une autre sorte d’humains....j’aimerais tant apporter quelque chose de nouveau, ça vit en moi, mais c'est si difficile quand on entend seulement vouloir avoir la classe dans l'ancienne façon. Mais il faut qu'il vienne une maturité pour cela, pour que la classe atteigne un niveau supérieur à travers les humains. J'y travaille toujours et j'ai fait des progrès dans beaucoup de choses pendant la période de Noël ».576

 

Que se passait-il en Ita Wegman dans les dernières années de sa vie, pas plus de deux ans avant sa mort ? Vivait-elle avec les pensées de la bouleversante conférence de Pâques de Rudolf Steiner du 22 avril 1924, qui avait traité de la transition de la sagesse du temple après l'incendie du sanctuaire d'Artémis à Ephèse vers l'éther du monde et sa renaissance dans la doctrine des catégorie d'Aristote, et en référence à cela l’incendie du Goetheanum et la « résurrection » préparée avec cela ? 577

573 Selg 2004.

574 Ibid. 5 174.

575 IW à Marianne Bischoff, 13.12.1940. Archive IW. Cité dans Selg 2004, 5.103.

576 IW à Madeleine van Deventer, 20.1.1941. D’après Selg 2004, 5.103.

577 Pâques en tant qu'élément de l'histoire mystérieuse de l'humanité, 4e conférence. GA 233 a. La conférence a été donnée pendant le deuxième cours pour les jeunes médecins.

 

[210]

Dans ce contexte, la conférence de la nuit d'incendie du 31 décembre 1922 a-t-elle pris un nouveau poids pour elle ? Rudolf Steiner y avait parlé du « culte cosmique », dans lequel un « sacrifice » s'élève de bas en haut dans le monde spirituel. « La classe doit être ressuscitée, reçue dans un autre genre d’humains ». Elle n'écrirait pas une telle chose sans avoir vécu une expérience de mort avec ce qu'elle avait prévu à l'origine. Quelques semaines plus tard, cette pensée se transforme en une image qui, de toute évidence, même si elle n'est pas encore pleinement consciente, en découle. Wegman écrit en préparation d'une conférence sur le seizième anniversaire de la mort de Rudolf Steiner (30.3.1941) :

 

 

Mais une chose doit être clairement comprise : ce qui avait été une fois donné comme substance spirituelle doit être transformé en une coupe sacrificielle avant que de nouvelles révélations puissent surgir. Si des groupes d’humains parviennent à absorber et à traiter les biens spirituels de Rudolf Steiner de telle sorte qu'une coupe sacrificielle puisse se former, alors le moment est venu que de l'aide viendra des mondes spirituels. Cela pourrait être bientôt, cela pourrait prendre beaucoup de temps, nous l'avons dans nos propres mains.578

Deux grands motifs apparaissent maintenant, tous deux intimement liés au message central du christianisme, tel qu'interprété par Rudolf Steiner et toujours présent à Ita Wegman, surtout dans les dernières années de sa vie : le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ et le mystère du travail spirituel commun au sens de « l'association-esprit ». « Si des groupes d’humains parviennent à absorber et à traiter les biens spirituels de Rudolf Steiner de telle sorte qu'une coupe sacrificielle puisse se former » : l'idée centrale de la conférence dans la nuit du feu de 1922/23 prend maintenant indubitablement la place, chez Ita Wegman, de la revendication centrale à la direction, à laquelle elle a adhéré jusqu'à sa maladie menaçant de mort en 1934. Et en même temps, elle saisit ce qui a influencé le développement de l'anthroposophie avec l'impulsion ésotérique pour la liberté de l' « essai » de 1911.

 

La fin de la Seconde Guerre mondiale était maintenant en vue.

578 Cité dans Selg 2005 c, p. 10 et suiv.

 [211]

En décembre 1942, moins de deux mois avant sa mort, Wegman a eu une longue conversation à Ascona avec Werner Pache, son collègue de l'Institut de pédagogie curative d'Arlesheim, au sujet des développements à attendre. Si l'Allemagne était occupée par les forces du bolchevisme russe, le travail spirituel ne serait plus possible. Face à cette perspective sombre, elle persiste inébranlablement dans son inspiration de septembre 1934 pour y rendre visite à ses amis, pour compter entièrement sur elle-même et pour poursuivre son élan thérapeutique. D'après le journal de Pache : « Alors elle aimerait aller en Allemagne, toute seule, d'ami à ami et maintenir la conscience du travail du monde spirituel ». Ce qui lui à plané par cela pour la renaissance de la première classe reste une question ouverte.

 

Les pressentiments et les esquisses d’idées d'Ita Wegman n'ont-ils pas une proximité étrangement intime avec les considérations prophétiques que le poète Albert Steffen a confiées à son journal à peine trois ans après la mort de Rudolf Steiner ? Et ne sont-elles pas aussi proches de la volonté de Marie Steiner d'établir un nouveau départ entièrement sur le sens rationnel de la réalité de la conscience actuelle des individus ? Les fissures et les bouleversements du mouvement anthroposophique jusqu'au milieu du XXe siècle, qui semblait si désespéré à beaucoup, étaient-ils inévitables et nécessaires pour un nouveau départ à partir de la force du je ?

579 D’après Selg 2004, p. 85.

[212]